Un Toulonnais brut de décoffrage. André Herrero, figure du rugby des années 1960, mort ce vendredi 24 octobre à 87 ans, fut l’homme d’un club : le RCT, pour Rugby club toulonnais. On écrit homme sciemment, parce que ce troisième ligne rugueux (comme l’époque en raffolait), surnommé «le Grand», ne se contenta pas de jouer pour l’équipe varoise puisqu’il en fut également le capitaine, l’entraîneur puis le président, notamment lors du titre de champion de France 1992. Il a aussi dirigé le XV de France comme manager à la fin des années 1990, soldant une histoire compliquée avec la sélection nationale.
«C’est avec une immense tristesse que le Rugby Club Toulonnais a appris le décès d’André Herrero […] “Grand” il l’était autant par son talent que par son comportement exemplaire, sa droiture et son amour du maillot rouge et noir», a communiqué le club.
Né à Puisserguier (Hérault) et frère aîné de Bernard (ex-talonneur de Toulon et du XV de France) et Daniel (le barde de l’Ovalie, surtout populaire en tant que chroniqueur de son sport avec sa barbe blanche, son bandeau ceignant sa tête et sa faconde), l’ancien deuxième ou troisième ligne avait fait les beaux jours du RCT sur les terrains entre 1955 et 1971, après avoir été formé au RC Corse de Toulon. Après un passage au Racing Rugby Club de Nice, André Herrero avait mis un terme à sa carrière de joueur pour devenir entraîneur puis président du club rouge et noir en 1991.
La sélection nationale boudée avec fracas
Avant d’en être le manager, il avait joué 22 fois sous le maillot bleu entre 1963 et 1967, avec la victoire dans le Tournoi des Cinq Nations cette dernière année, qui marque également sa rupture avec la sélection nationale qu’il boude avec fracas, les sélectionneurs lui ayant préféré Christian Carrère pour le capitanat. Cinq ans plus tard, il accepte néanmoins de devenir manager du XV de France en 1992, il quitte son poste trois ans plus tard, furieux que ses joueurs aient fait grève : ils réclamaient de l’argent.
1995, c’est l’année où le rugby devint professionnel. Pas le sport qu’il avait connu. Le rugby de son époque c’est celui qu’il a raconté à l’Equipe en 2021 : «Une soirée au pays de Galles, en 1966, il y a eu une embrouille avec un bobby qui a perdu son casque. Il faut dire que nous avions quelques joueurs particulièrement taquins, dans cette équipe de France. En voulant ramasser son casque et embarquer le fautif, le policier a pris une poire. Et à partir de là, ça a dégénéré. Quelques heures plus tard, il a fallu que Jean Prat [le sélectionneur, ndlr] parlemente [il appela le ministre de l’Intérieur de l’époque, Roger Frey] pour que les joueurs quittent le commissariat. Moi, je n’ai pas participé à cette bagarre. J’ai bien essayé de jouer les conciliateurs, mais ça n’a pas vraiment fonctionné.»
Engagé contre le FN
Vice-champion de France à deux reprises, en 1968 et 1971, André Herrero avait remporté un Challenge Yves du Manoir avec Toulon en 1970 avant de connaître un titre de champion de France en 1992 en tant que président. «Lors de la finale de 1971, blessé après avoir reçu un coup de pied dans le dos et malgré deux côtes cassées, André décida de revenir sur le terrain pour terminer le match. C’était ça, André Herrero : un modèle de courage, de combativité et de passion», lui a rendu hommage le club toulonnais. André Herrero ne sut jamais qui lui avant flanqué ce coup de pied.
Jamais loin du Stade Mayol et de l’équipe rouge et noir, André Herrero avait été intronisé au «Hall of Fame» du RC Toulon en avril 2023, aux côtés de sept autres joueurs, dont l’ex-ouvreur anglais Jonny Wilkinson ou l’ancien demi de mêlée Jérôme Gallion, on a connu voisinage moins prestigieux.
André et Daniel Herrero avaient joué côte à côte la finale perdue en 1971 contre le grand Béziers de Raoul Barrière. Ils auraient également pu disputer ensemble la finale de 1968 perdue contre Lourdes, mais André avait écarté le petit frère turbulent qui ne venait plus aux entraînements, préférant participer aux manifestations du mouvement de mai 68. Comme son cadet, André prendra position plus tard contre la montée du Front national dans le département du Var. Aussi intransigeant et volcanique dans ses convictions que vaillant et engagé sur le pré.