Quinze jours après ce «contenu parfait», selon les termes du sélectionneur Fabien Galthié, qui avait plongé tous les observateurs dans un abîme d’incrédulité, s’agissant d’évoquer une victoire miraculeusement chipée à l’Ecosse après une décision généreuse de l’arbitre, quelles couleuvres voudrait nous faire avaler l’encadrement, pour qualifier un non moins invraisemblable et pourtant pathétique match nul, concédé ce dimanche 25 février à domicile – faute de Stade de France, le match était délocalisé au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Asq – face à l’Italie ? Une ultime pénalité, a priori facile, qui s’écrase sur le poteau tricolore et voici, à 13-13, la France créditée de deux nouveaux points au classement. Ce qui, au soir de la troisième (des cinq) journée du Tournoi des six nations 2024, la situe à une quatrième place logique et piteuse, vu la bouillie observée depuis le début de l’épreuve, que, naïvement, on imaginait autrement rédemptrice, une fois les rêves de Coupe du monde envolés.
A l’heure du débrief, Fabien Galthié a donc paru cette fois autrement secoué et, partant, lucide, en admettant que «ce match nul aurait pu être une défaite». Pour autant, l’idée directrice restait à la pondération («on est dans le dur, mais il n’y a ni abattement, ni colère»), avec ce minimum de mauvaise foi, ou d’extralucidité (on ne sait plus trop), incitant cependant le sélectionneur, à ajouter : «Ça paraît énorme, la différence entre le passé et le présent. Mais il n’y a pas grand-chose sur la photo, sur le film, pour changer la qualité du match.»
«Moment douloureux»
Côté joueurs, du «passé», comme du «présent», côte à côte sous le toit fermé du stade, le son de cloche était cependant sensiblement identique. Capitaine du jour, en l’absence de Grégory Alldritt, et auteur de l’unique essai tricolore en tout début de rencontre, le troisième ligne toulonnais, Charles Ollivon, étroitement associé à l’épopée des quatre années écoulées, reconnaissait le «goût amer» laissé par ce «moment douloureux», sans admettre qu’il y avait quoi que ce soit de «cassé».
Une déconvenue qui aurait pu être compensée par deux belles histoires du jour : celle de l’ailier toulousain, Matthis Lebel, convoqué la veille du match, suite au torticolis du jeune, Louis Bielle-Biarey, et qui se retrouvait catapulté titulaire au coup d’envoi. Ou celle du troisième ligne toulonnais, Esteban Abadie, qui, rentré à la 65e minute, vivait sa première sélection sous les yeux de sa famille. Hélas, lâchés dans le champ de mines, les deux garçons ont dû remiser leur sentiment de fierté individuelle, noyé dans le gâchis collectif. «J’aurais aimé vous raconter mon arrivée express avec plus de gaîté, mais celle-ci a été brisée par le résultat. Le public est à juste titre exigeant et nous n’avons pas su lui rendre le soutien qu’il nous apporte. Nous devons nourrir quelque chose de l’intérieur et ça doit venir de tout le monde», a analysé le premier, avec la clairvoyance d’un briscard, alors qu’il ne totalise que six sélections. «Jouer pour la première fois en équipe de France reste un rêve de gosse. Mais ça n’était pas le scénario imaginé», a concédé le second, décrivant la «frustration» et la «tristesse» d’un vestiaire tricolore, «le moral dans les chaussettes». Pour autant, celui qui «débarque dans le groupe» après avoir regardé la Coupe du monde à la télé garde un sourire généreux, quand il décrit une «phase compliquée, où il faut rester soudés : personne n’a perdu ses qualités. Les bons joueurs sont là. Simplement, il y a un élan collectif et une magie, qu’il faut retrouver.»
Sinon, défendant lui aussi les couleurs de son pays, un certain Antoine Dupont a aussi marqué deux essais ce week-end, le second, essentiel, permettant même à son équipe de se qualifier en demi-finale, face à la Nouvelle-Zélande (le match étant programmé dimanche 25 février, vers 22 heures). Un mauvais rêve alimenté par des réminiscences de la Coupe du monde ? Non, juste le résultat du tournoi de rugby à 7 que, parallèlement aux Six nations, la France dispute au Canada, à Vancouver. Où le plus que jamais indispensable capitaine tricolore a choisi d’aller passer un peu de bon temps. Calice !