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Rugby

«Notre tour arrive» : en remportant les Six nations, le XV de France retrouve un large sourire

Sans son blessé Antoine Dupont, le XV de France a remporté le trophée samedi 15 mars, en battant l’Ecosse 35 à 16. Avec, en majesté, Thomas Ramos qui devient le meilleur marqueur de l’histoire des Bleus, et l’ailier supersonique de Bordeaux, Louis Bielle-Biarrey.
Antoine Dupont, blessé, avec ses coéquipiers du XV de France, après leur victoire au Tournoi des six nations, au Stade de France, samedi 15 mars. (Christophe Ena/AP)
publié le 15 mars 2025 à 22h56
(mis à jour le 16 mars 2025 à 7h37)

Tous les spectateurs – y compris un contingent non négligeable de spectatrices – qui avaient acheté longtemps à l’avance leur billet pour ce France-Ecosse du samedi 15 mars (ou, à défaut, juste bloqué une soirée pizza-pintes devant France 2) ont eu le nez creux, car on imagine que, ces derniers jours, le tarif au marché noir avait quelque peu flambé.

En découvrant le calendrier du Tournoi des six nations 2025, le baisser de rideau revêtait en effet des allures de possible bal des cocus pour un XV de France qui, amené à se déplacer avant en Angleterre, puis en Irlande, n’avait pas initialement la faveur des bookmakers. Or d’une rencontre qui n’aurait pu délivrer qu’un accessit, on se retrouvait dans un Stade de France converti en the place to be, puisque destiné à honorer le nouveau champion d’Europe. A savoir, donc, cette équipe de France qui, une semaine après l’exploit maous d’une victoire (écrasante) à Dublin, savait, au coup d’envoi, ne disposer d’aucun droit à l’erreur, après des succès, étriqué pour l’Irlande (en Italie, 22-17) et fleuve pour l’Angleterre (au pays de Galles, 68-14). Nulle autre issue qu’une victoire n’était de toute façon envisagée, contre un XV du chardon (quatrième à l’amorce de la dernière journée) certes piquant, mais guère apte à tenir la distance, avec un banc notablement moins étoffé.

A 35-16, le verdict n’a, de la sorte, pas fait un pli. Enfin si, un peu quand même, car, à la pause, les Bleus n’en menaient pas large, avec un avoir de trois points qui avait même failli être dilapidé par un (deuxième) essai écossais refusé in extremis, qui les aurait mis en ballottage défavorable. Ça, plus deux cartons jaunes témoignant d’une inquiétante fébrilité, et la ténacité d’un adversaire refusant de faire de la figuration et c’est sans doute à l’amorce de la seconde période que tout a basculé, quand trois minutes d’offensives écossaises stériles accouchaient… d’un essai français, signé de l’inévitable Louis Bielle-Biarrey, sur un turn-over boosté par Romain Ntamack. Plus jamais menacée ensuite, la France retrouvait une certaine sérénité lui permettant de se détacher sans coup férir, jusqu’au gong. De sorte que c’est sans doute la rencontre française la moins crépitante du Tournoi qui déclenchera pourtant le feu d’artifice sur le toit du Stade de France où, avec plus de 78 000 spectateurs galvanisés, la température ressentie était supérieure aux quelques degrés annoncés.

Antoine Dupont victorieux en béquilles

Trois ans après le précédent sacre européen, alors assorti d’un Grand Chelem, les Bleus retrouvent de la sorte un franc sourire, à l’instar du capitaine blessé (contre l’Irlande), Antoine Dupont, dont on voyait le visage fermé et le regard embué en tribunes sur les écrans du stade en début du match. Deux heures plus tard, le même poussait sur des béquilles pour rejoindre sa bande en extase sur le podium et soulever la coupe.

«Le palmarès de ce groupe n’est pas encore à la hauteur de sa qualité», posait en milieu de semaine le flanker toulousain, François Cros, résumant la frustration communément partagée par tout un pays, de voir échouer ces Bleus trop souvent aux portes de la félicité. Ce qui ne sera donc pas le cas cette année, avec, au passage, un Thomas Ramos qui devient le meilleur marqueur de l’histoire des Bleus (450 points, record qui va continuer de gonfler), sans en faire pour autant des tonnes côté gloriole : «Après avoir pas mal regardé les autres soulever les trophées, notre tour arrive, donc on en profite. La Coupe du monde perdue, il a fallu passer à autre chose. L’an dernier, notre Tournoi n’avait pas été bon et là je pense qu’on remet la France à sa juste place. Notre système de jeu est dur à lire pour l’adversaire. Nous prenons beaucoup de plaisir et, je pense, en donnons aussi [30 essais français lors du Tournoi, un record, ndlr]

«Quant à mon cas personnel, ajoutait Ramos, si je suis fier d’avoir dépassé Frédéric Michalak, que j’admirais quand j’étais petit, il reste secondaire par rapport à l’envie d’avancer collectivement, ce qui englobe non seulement le groupe qui gagne, mais aussi tous les mecs qui y contribuent en se tapant notamment les stages de préparation sans être forcément ensuite retenus et qui le font sans broncher.»

Galthié a su imposer ses choix stratégiques

Le Tournoi 2025 est le 27e remporté par la France, qui, au passage, rejoint l’Angleterre au nombre de succès (sept) depuis qu’il se joue à six. «Je suis heureux parce qu’on a gagné. C’était l’objectif de cette compétition qu’on a réussi à atteindre. C’est le bonheur, la joie», a commenté Fabien Galthié, qui, saluant «une équipe forte et puissante, capable de réagir dans des situations chaotiques», la juge en outre «meilleure que celle de 2023», en référence à l’année de la Coupe du monde.

Contesté depuis le fiasco de ladite coupe, le sélectionneur, à qui on reprochait en six ans un palmarès bien maigrichon, au regard de la génération dorée de joueurs qu’il met en scène, sort en tout cas plus qu’indemne d’une joute où il a su imposer ses choix stratégiques (un banc de remplaçants à sept avants et un seul trois quarts, lors des trois derniers matchs), comme rappeler aux «cadres» qu’ils ne devaient jamais s’endormir sur les lauriers de leur statut supposé (Damian Penaud écarté contre l’Italie, comme l’avait été Grégory Alldritt en novembre). D’autant que, dans le même temps, le filon de jeunes prometteurs ne paraît pas se tarir. Ainsi le Tournoi a-t-il permis d’apprécier les bonnes dispositions des Théo Attissogbé, Léo Barré ou Mickaël Guillard, quand, au poste de 3e ligne, l’abattage d’un Paul Boudehent marquait les esprits tout du long.

Toutefois, si un joueur a bien traversé l’hiver (et avant, l’automne) sur un nuage, c’est l’ailier supersonique de Bordeaux Louis Bielle-Biarrey, nouvelle star du rugby hexagonal avec, cette fois, huit essais marqués en cinq rencontres internationales. «Il est en progression constante et représente le bon exemple à suivre pour beaucoup», a félicité Galthié. «A 21 ans, il a une maturité incroyable et sait tout faire», s’est ébaudi son partenaire en bleu, l’ouvreur toulousain, Romain Ntamack. «C’est vrai qu’en ce moment tout me réussit, alors j’essaie de surfer sur la vague», souriait l’intéressé, jugeant cependant l’ambiance dans le vestiaire du sacre «un peu molle, maintenant qu’il n’y a plus de bière… Mais la soirée n’est pas finie». Pas plus que la moisson tricolore, voudra-t-on croire, au terme d’un Tournoi faisant miroiter derechef des lendemains qui chantent, sans que, entre la Marseillaise, la Goffa Lolita et Maman, de Louane, on soit pour le coup trop regardant sur la playlist.