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Libération
Victoire

Rugby : le XV de France bête noire des All Blacks

Vainqueur 30-29, à force d’abnégation et de solidarité, d’un adversaire qui l’a longtemps dominé, le XV de France a ravi samedi soir un Stade de France aussi comble que comblé.
Au Stade de France, samedi 16 novembre, lors de la rencontre entre la France et la Nouvelle-Zélande (30-29). (Stephanie Lecocq/Reuters)
publié le 17 novembre 2024 à 9h53

Hasard du calendrier, la quintessence (supposée) du foot, puis du rugby français avaient donné rendez-vous aux supporteurs, ainsi qu’à des millions de téléspectateurs, au même endroit, à seulement quarante-huit heures d’intervalles. Or, c’est rien de dire qu’au moment du radio trottoir, le ballon ovale a dû faire forte impression dans bien des esprits. A un Stade de France aux trois quarts vide, dans l’ambiance mortifère – plombée par une prestation terrassante d’ennui – du France-Israël de jeudi, a en effet succédé une enceinte archi blindée, exubérante, chavirant de bonheur quand, au bout du bout du suspense, les Bleus signaient, samedi 16 novembre, une victoire de prestige, par la plus petite des marges, 30-29, face à des All Blacks qui, longtemps, avaient pourtant survolé les débats… mais en rase-mottes (cf ce seul essai transformé de retard, qui scellait une première mi-temps presque à sens unique).

Une supériorité manifeste, certes, mais sans jamais parvenir à distancer suffisamment un adversaire qui, à force de ne rien lâcher, à même fini par gagner ce combat (deux joueurs HS, un de chaque côté, dès la première minute !) que, sur un ring de boxe, il aurait pourtant sans doute perdu aux points. Ce qui, sur un rectangle vert, rend aussi le verdict un peu plus savoureux côté tricolore quand, chez les Blacks, on doit se dire que la France est devenue une vraie bête noire.

Grandes ressources physiques et morales

Cela fait en effet maintenant trois fois consécutives que l’équipe de Fabien Galthié, actuellement 4e au classement mondial, prend le dessus sur le numéro 2. Les deux dernières fois, en 2021, puis, l’an dernier, en ouverture de la Coupe du monde, la marge était nette. Exactement à l’inverse de ce samedi d’automne, démontrant les grandes ressources physiques, mais surtout morales, d’une équipe aussi largement que longtemps dominée dans tous les secteurs, mais qui a su trouver des solutions après la pause (en touche, notamment), pour optimiser ses munitions, faire douter un adversaire plein d’allant (puisque dominateur en conquête et jamais rassasié de ballons portés) et, une fois encore, ne jamais perdre son sang-froid dans la fournaise.

Vainqueur en Angleterre, voici quinze jours, puis en Irlande, une semaine auparavant, la Nouvelle-Zélande espérait légitimement parachever sa campagne européenne en battant enfin la France. Or, avec des individualités comme Ardie Savea ou Caleb Clarke, intenables, c’est en livrant sans doute son meilleur match qu’elle a pourtant dû capituler, un an après avoir déjà échoué d’un point en finale de la Coupe du monde (contre l’Afrique du Sud), dans ce Stade de France transformé en théâtre récurrent des illusions perdues. La faute aux Thomas Ramos (d’une grande fiabilité à un poste d’ouvreur qui n’est pas celui qu’il préfère, et auteur d’un sans-faute au pied), Louis Bielle-Biarrey (une fois encore supersonique à l’aile), Paul Boudehent (troisième ligne omniprésent aux deux extrémités du terrain) ou Emmanuel Meafou (le deuxième ligne, né en Nouvelle-Zélande, dont, six mois après ses débuts en bleu, les 145 kilos semblent déjà indispensables dans les mêlées fermées, comme dans les charges offensives), qui ont su dans leurs rôles respectifs tenir la barre quand ça tanguait vraiment fort.

«Garder les pieds sur terre»

A chaud, le plaisir de Paul Boudehent paraissait toutefois contenu, qui, peut-être bridé par le soulagement, vantait au micro de TF1 la qualité du «groupe», tout en ajoutant qu’il fallait «garder les pieds sur terre» et «ne pas se voir trop beaux». Une petite heure plus tard, lors du traditionnel point presse, le sélectionneur, Fabien Galthié, comme le capitaine, Antoine Dupont, montaient d’un cran. «Ce qui compte c’est le résultat, l’efficacité […] et nous avons été très forts dans les temps faibles» a observé le premier, avant d’admettre un «100 % de bonheur, de joie et de lâcher prise». Tandis que le second, concédait «un sentiment très fort au coup de sifflet final».

Avec deux victoires en deux matches (après le carton prévisible face au Japon) dans les rencontres internationales de l’automne, la France remplit sa feuille de route à domicile. Il ne s’agit pas d’un exploit, mais d’une solide performance, propice à l’émulation, quand on sait le nombre de blessés (Romain Ntamack, Cyril Baille, Posolo Tuilagi…) sur lesquels Galthié sait encore pouvoir compter. Reste à recevoir et surtout battre l’Argentine, vendredi 22 novembre, toujours au Stade de France, pour finir une année «compliquée» avec le sourire et aborder le Tournoi des six nations 2025 sous les meilleurs auspices.