Deux internationaux tricolores dans le viseur de la justice argentine. Depuis l’arrestation lundi en Argentine d’Hugo Auradou et Oscar Jégou, deux joueurs du XV de France visés par une plainte pour abus sexuel aggravé par une jeune femme ayant porté plainte à Mendoza, le rugby tricolore est plongé dans la stupeur. Pour rappel, c’est dans la nuit de samedi 6 à dimanche 7 juillet, après le match contre le XV argentin, que les faits qualifiés d’«incroyablement graves» par le président de la Fédération française de rugby auraient eu lieu. Selon le journal local MDZ, la victime et les joueurs se seraient rencontrés dans une boîte de nuit avant de se rendre dans un hôtel. La force du récit de la victime, qui évoque des coups et des violences sexuelles, a poussé la police à agir vite, avant que les joueurs ne quittent le territoire. Précision sémantique, la traduction «abus sexuel aggravé» correspond à la formule «acceso carnal», qui correspond dans le droit argentin au mot «viol», présentant sans doute un caractère «aggravé» du fait qu’il ait été commis en réunion avec usage de la violence.
Les deux jeunes joueurs de l’équipe de France, jusqu’ici placés en garde à vue dans un commissariat de Buenos Aires, doivent être présentés aujourd’hui à la justice argentine à Mendoza, province du centre ouest, à 1 100 km de la capitale argentine où auraient eu lieu les faits. Ils seront alors entendus dans le cadre de l’enquête dans les jours à venir par la procureure en chef de l’unité des crimes contre l’intégrité sexuelle de Mendoza, Daniela Chaler. Cette dernière a fait état «d’éléments convaincant» dans «la déposition [de la victime] assez longue, complète, détaillée» qui «correspond, pour l’heure, aux conclusions médico-légales».
Hugo Auradou, 20 ans, et Oscar Jegou, 21 ans, par ailleurs sacrés champions du monde en 2023, dans la catégorie des moins de 20 ans, devront ainsi se soumettre aux examens médicaux réclamés par la justice. Ils seront accompagnés de leur avocat. «Là, nous présenterons des preuves en faveur des joueurs, des preuves que nous avons, des preuves concrètes, et la justice de Mendoza décidera de libérer ou non les joueurs», a précisé Me Rafael Cuneo Libarona. Les deux joueurs du XV de France seront alors prochainement présentés devant la représentante du parquet de Mendoza, Cecilia Bignert. Cette procureure adjointe chargée de l’affaire disposera de 24 heures pour mettre en examen les joueurs, avec la possibilité d’une prolongation de 24 heures supplémentaires en cas de demandes d’éléments additionnels.
Un «abus sexuel particulièrement atroce» dénonce l’avocate de la plaignante
«Il s’agirait d’un abus sexuel particulièrement atroce, avec rapport sexuel, avec la participation de deux personnes, avec violence, pour les deux», a affirmé mercredi Me Natacha Romano, l’avocate de la plaignante de 39 ans. Elle a évoqué un «abus sexuel avec pénétration», la définition judiciaire du viol en Argentine. Selon la version de l’avocate, sa cliente est rentrée à l’hôtel avec l’un des deux joueurs impliqués, «identifié en premier lieu comme Hugo (Auradou)». Toujours d’après Me Romano, «il l’attrape immédiatement, la jette sur le lit, commence à la déshabiller et se met à la frapper sauvagement d’un coup de poing, dont l’hématome est visible sur le visage de la victime. Il l’étouffe, au point qu’elle a l’impression de se sentir partir». Environ une heure plus tard, «entre le deuxième, qui s’appelle Oscar», a assuré l’avocate, l’accusant des «mêmes faits de violence et d’abus sexuel». «Elle tente de s’échapper au moins cinq fois. Mais Hugo se réveille et la reprend», a-t-elle encore affirmé. Et l’avocate de conclure : «Pour l’instant, l’accusation est celle d’abus sexuel, mais il existe une forte possibilité que cela puisse évoluer vers une accusation cumulant d’autres chefs d’inculpation.»
Oscar Jegou et Hugo Auradou ont, pour leur part, «confirmé avoir eu dans la nuit une relation sexuelle avec la jeune femme mais […] fermement nié toute forme de violence», selon un communiqué de la Fédération française de rugby (FFR) publié mardi. Ces relations sexuelles étaient «consenties», a aussi appuyé mercredi à Mendoza l’avocat des deux rugbymen, Me Rafael Cuneo Libarona. «Elle prétend avoir été battue, les caméras (de surveillance de l’hôtel) disent qu’elle ne l’a pas été», a-t-il aussi expliqué. Une affirmation qui entre pourtant en contradiction avec les investigations du média argentin MDZ, attestant que les vidéos corroborent les accusations de la plaignante. Ces enregistrements seront par ailleurs intégrés au dossier judiciaire.
Interview
S’ils sont formellement inculpés, les deux jeunes hommes pourraient être placés en détention provisoire jusqu’à l’audience permettant de demander leur libération, qui interviendrait dans un délai de dix jours après la mise en examen. «Ils étaient en déplacement en Argentine, ils n’ont pas de racines parce qu’ils ne vivent pas ici et ils sont censés avoir les moyens de quitter le pays», a expliqué Martin Ahumada, porte-parole du parquet de Mendoza, pour justifier ce placement en détention. Toutefois, il «se peut qu’au milieu de ces dix jours, ils [la défense, ndlr] demandent une libération conditionnelle ou une assignation à résidence. Nous ne le saurons pas tant qu’ils n’auront pas été inculpés», a-t-il poursuivi. Selon le Code pénal argentin, les peines encourues pour ce type de délits vont de six à quinze ans d’emprisonnement. Cependant, «la circonstance aggravante que les faits se seraient déroulés en réunion», pourrait aggraver la peine de huit à vingt ans de prison, a précisé Martin Ahumada.
Mise à jour : le 11 juillet à 12h03, avec les nouvelles déclarations de l’avocate de la plaignante et de celles de l’avocat des joueurs français.