Le XV de France débute l’année 2023 comme il avait conclu 2022 : par un succès. Soyons franc : le contraire eut été stupéfiant, tant les Bleus partaient favoris, ce premier dimanche de février, face à une Italie qui, bien qu’ayant enfin montré des signes d’embellie (avec des victoires l’an dernier face au pays de Galles, puis l’Australie), n’en reste pas moins l’équipe a priori la plus faible du Tournoi des six nations. «Week-end à Rome pour la douceur de vivre /Et pour le fun puisqu’on est jeunes. /Week-end rital, retrouver le sourire /J’préfère te dire, j’ai failli perdre mon sang-froid», aurait-on ainsi rêvé entendre les troupes fredonner, avec Etienne Daho en chef de chœur, en lieu et place de la sempiternelle Marseillaise.
Pourtant, même si, comme prévu, victoire bonifiée il y eut (24-29), la méthode, elle, n’a pas fini de poser question, du moins jusqu’à la prochaine échéance, cruciale, samedi 11 février, à Dublin. Sur le papier, affronter l’Italie en ouverture du tournoi constituait à peu près le hors-d’œuvre idéal, en ce sens que la confrontation permettait de se roder en conditions réelles (un match avec enjeu, où il ne faut surtout pas se louper, sous peine de dilapider un capital confiance aujourd’hui archi-fondé), sans risquer de se faire de trop grandes frayeurs.
«Il n’y a pas de quoi sauter partout après cette victoire»
Or, c’est précisément tout l’inverse qui s’est produit, puisqu’après une entame parfaitement trompeuse (trois essais inscrits, et un avantage qui culminera à treize points d’avance, à 6-19) tout ou presque est parti de travers. A commencer par une indiscipline incroyable, qui verra les Bleus sanctionnés à dix-huit reprises (plus un essai de pénalité et un carton jaune, reçu par Charles Ollivon), dont neuf en deuxième mi-temps, alors que, théoriquement, le staff avait opéré les réglages nécessaires pour ne plus contrarier les appréciations de l’arbitre anglais Matthew Carley. Ça, plus une conquête déficiente, Thomas Ramos moins en réussite qu’à l’ordinaire au pied, un maestro, Antoine Dupont, qui n’est pas depuis quelques semaines à son meilleur niveau… et voici donc les Bleus qui quittent le Stade olympique en faisant le plein de points (cinq, au classement), à défaut de confiance.
A lire aussi
«Il n’y a pas de quoi sauter partout après cette victoire […] même si nous allons essayer de positiver, en dépit du fait qu’il y a eu plus de négatif», a ainsi admis, avec sa lucidité habituelle, le capitaine Dupont, au micro de France 2. Juste avant, tout aussi clairvoyant, le sélectionneur Fabien Galthié, a reconnu en conférence de presse «une performance mitigée qui laisse un goût un peu amer», en relevant le nombre faramineux de sanctions infligées par l’arbitre, a fortiori «dans des zones où on ne doit pas faire faute».
Mise en bouche pleine de saveurs
Un constat assurément alarmant, mais qui ne doit pas faire oublier non plus, avec une série désormais portée à quatorze succès consécutifs, cette capacité aujourd’hui récurrente des Bleus à faire le dos rond pour, les jours où ils sont à la peine, sortir indemne de ces bourbiers où, jusqu’en 2019, ils cultivaient la sale habitude de s’enliser. Il en faudra néanmoins plus pour espérer dominer l’Irlande à Dublin, où se disputera, dès la deuxième journée du tournoi, ce que tous les observateurs considèrent comme la finale anticipée d’une édition 2023 qui a débuté sur les chapeaux de roues, avec un total de dix-huit essais marqués en trois matches. Dont cet extraordinaire exploit de l’Ecossais (importé d’Afrique du Sud), Duhan Van der Merwe, catapulté héros national après avoir terrassé l’Angleterre à Twickenham (23-29), tandis que l’Irlande, elle n’a eu besoin que de vingt minutes pour annihiler tous les espoirs du pays de Galles, à Cardiff (10-34).
Cette mise en bouche pleine de saveurs dégustée, tout le monde se projette donc déjà sur le coup d’après, où, selon le classement IRB, les deux meilleures équipes mondiales vont donc se retrouver, sur la pelouse de l’Aviva Stadium. D’ici là, nul doute que Fabien Galthié s’emploiera à revoir la copie, entouré de tout son staff technique où, depuis 2021, figure l’ex-arbitre international, Jérôme Garcès, mandaté pour raréfier autant que faire se peut le nombre de fautes commises sur le terrain par des Bleus qui seront avisés de prendre des notes. Sous peine d’en recevoir vraiment une mauvaise la prochaine fois.