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Crunch

Tournoi des six nations : la France tombe d’un point, mais de haut, en Angleterre

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Sur un score rageant de 26 à 25, les Bleus ont perdu le Crunch de ce samedi 8 février à Twickenham lors de la deuxième semaine de la compétition. Les Tricolores n’ont pas fini de ressasser un scénario qui, avec plus d’adresse et d’application, aurait dû leur sourire.
Les Bleus se sont inclinés 26-25 ce samedi 8 février à Twickenham. (Glyn Kirk/AFP)
publié le 8 février 2025 à 19h40

Où l’on assista, fort marri, au retour inopiné du «Sorry good game». Cette expression assassine, attribuée à l’ex-centre et capitaine de la fin du XXe siècle, Will Carling – mais tout autre joueur anglais ferait l’affaire –, destinée à «féliciter» un adversaire, français de préférence, qui, ayant cru jusqu’au bout en son étoile, échouera en définitive de pas grand chose. Un point, par exemple. Autant dire une histoire, à l’heure où l’on voudra forcément refaire les comptes, de transformation ratée, ou juste la faute à pas de chance, mais qui, fatalement, actera aussi la fin (déjà) de quelques illusions. Comme un remake de la Coupe du monde, bien qu’avec une dramaturgie totalement différente, où la France, en quart de finale, puis l’Angleterre, en demi, avaient l’une après l’autre pareillement perdu le goût de vivre face à l’Afrique du Sud, à cause de cet immense petit point (deux, en réalité, pour passer devant) manquant sur la feuille de match.

Gabegie et «regrets»

Donc, si on reprend froidement, ce samedi 8 février, en fin de journée, la France a capitulé face à l’Angleterre, 26-25, dans le cadre de la deuxième journée du Tournoi des six nations. Et le stade mythique de Twickenham en a d’autant plus chaviré de «Swing Low, Sweet Chariot» à faire tourner les pintes jusqu’au bout de la nuit londonienne, que tout ça s’est joué dans le money time, alors qu’on pensait les Bleus un peu miraculeusement – mais aussi logiquement, sinon moralement – tirés d’affaire après que le serial marqueur, Louis Bielle-Biarrey, eut inscrit ce troisième essai tricolore. Un ultime plongeon dans l’en-but censément synonyme d’une victoire aussi étriquée que celle d’il y a deux ans, sur la même pelouse, s’était révélée retentissante – le 53-10 de 2023 devant encore traîner dans les cauchemars de plus d’un supporteur du XV de la Rose, épines comprises.

Cela dit, et tout le monde en convenait dès le coup de sifflet final – qui rime avec fatal –, c’est en première mi-temps que tout s’est joué, tant la domination tricolore, qui, au pifomètre, aurait dû faire basculer les visiteurs à la pause avec une vingtaine de points d’avance, s’était en réalité soldée sur un score de parité, 7-7. Las, à force de vendanger les opportunités, les Bleus en seront donc pour venir lundi au tableau, un bonnet d’âne sur la tête, réciter le Lièvre et la Tortue, eux qui de toute la rencontre, pourtant constellée de fautes de mains (27 ! Il faudra sans doute remonter loin dans les stats tricolores pour retrouver pareille gabegie), d’erreurs d’appréciation et de plaquages ratés (30, sur un total de 138, bien en deçà du rendement habituel), n’avaient laissé l’Angleterre faire la course en tête que quatre minutes durant !

«Beaucoup de regrets [répété deux fois, ndlr] et de déception, ils n’ont pas touché un ballon de la première mi-temps mais ont été très pragmatiques, alors que nous on a mangé trop d’occasions», jugera au micro de France 2, le capitaine, Antoine Dupont, cédant ensuite la place à son compagnon de club et d’infortune, Thomas Ramos, évoquant pour sa part «plus de frustration que de déception» : «Tu laisses une équipe espérer et à la fin, ils te tuent.» Ce qui, de facto, nous renvoie au «Sorry Good Game» du début. Dont, en conférence de presse, le sélectionneur français, Fabien Galthié, proposera une variante amère : «On peut féliciter notre adversaire qui a su avec peu, faire beaucoup.»

Adverbe crucial

Dupont et Ramos, du reste, ont figuré parmi les déceptions du match (mais qui oserait une seconde songer incriminer ces virtuoses qui à chaque sortie ou presque des Bleus nous font fredonner la Vie en rose ?). Tout comme le troisième ligne Alexandre Roumat, ou l’ouvreur, Matthieu Jalibert, qui avait alimenté toutes les conversations (et presque tous les articles) de la semaine, se demandant s’il serait à la hauteur de son rôle de doublure, décroché suite à la suspension de Romain Ntamack (la réponse étant donc…).

Certainement sonné par la déconvenue, Fabien Galthié, tout en admettant la «grande déception», a pourtant eu une lecture de la rencontre plutôt bravache, répondant à la question de savoir comment il vivait le fait de devoir déjà dire adieu aux rêves de Grand Chelem (un sans-faute, avec que des victoires) : «Très bien, ça fait partie de notre parcours. On reste une équipe ambitieuse, on l’a encore prouvé aujourd’hui. Ce qui est intéressant, si on se projette vers la suite, c’est ce qu’a produit cette équipe pendant quasiment [l’adverbe revêtant tout de même ici une importance cruciale, ndlr] quatre-vingts minutes. Il y a la défaite, ce qui va avec, mais aussi ce qui nous a permis de nous créer autant de temps forts dans ce match.» Dont, après analyse scrupuleuse du staff, tout le monde ne devrait pourtant pas sortir indemne…

A suivre, Italie-France, le 23 février à Rome, face à un adversaire qui, vainqueur du Pays de Galles 22-15, une heure avant Angleterre-France, a de toute façon déjà gagné «son» Tournoi, à savoir celui des voyageurs de la seconde classe. Un Tournoi qui, toutefois, n’a pas rendu son verdict, les Bleus pouvant encore espérer jouer un va-tout, le 8 mars, à Dublin, face à l’Irlande qui, si elle bat l’Ecosse, ce dimanche 9 février, n’en fera pas moins, plus que jamais, figure de favorite à sa propre succession.