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Judo

Teddy Riner champion du monde pour la onzième fois avec un Doha de réussite

Au terme d’une journée enthousiasmante, le Français est sacré six ans après son dernier titre. Julia Tolofua, elle, doit se contenter de l’argent en plus de 78 kg.
Teddy Riner (kimono blanc) pendant sa finale victorieuse contre le Russe Inal Tasoev. (Karim Jaafar/AFP)
publié le 13 mai 2023 à 22h00

Trois engagés, deux finalistes, un titre… et un début de polémique éteint le plus vite possible par la Fédération internationale. Journée d’ascenseurs émotionnels pour le judo tricolore ce samedi en clôture des épreuves individuelles des championnats du monde de Doha, au Qatar.

«Il m’a encore manqué quelque chose»

Chez les féminines, la journée commence mal. Romane Dicko, n°1 mondiale et dossard rouge de tenante du titre sur le dos, se fait cueillir à 40 secondes du terme par un o-uchi-gari ken ken (grand fauchage intérieur en sautillant) en plein replacement par l’Italienne Asya Tavano, 20 ans, 22e mondiale mais déjà médaillée européenne en 2022. «Je n’ai pas fait ce qu’il fallait», analysera la médaillée olympique de Tokyo. A 23 ans, peu épargnée par les blessures en début de carrière, Dicko disputait là seulement ses seconds mondiaux seniors.

Longtemps dans l’ombre de la combattante du PSG Judo, Julia Tolofua, 25 ans, 7e mondiale, voit alors un boulevard s’ouvrir devant elle. Et ne se le fait pas dire deux fois. Son 1,89 mètre et ses grands segments ventilent successivement les rivales vénézuélienne, néerlandaise, brésilienne et chinoise situées entre elle et la finale. Cinquième en 2021, troisième en 2022, la spirale ascensionnelle de la sociétaire de l’Etoile sportive du Blanc-Mesnil bute pourtant sur l’ultime marche face à la Japonaise Akira Sone, 22 ans mais déjà titrée aux Mondiaux 2019 et aux JO 2021. Malgré leurs trois têtes d’écart et 7′13 de golden score, l’expérience de la gauchère nippone, trapue et stable, prévaut cette fois encore. «J’aurais aimé faire plus, il m’a encore manqué quelque chose», regrettera la triple championne de France. Sa régularité ajoutée à la bonne santé d’ensemble de la catégorie des +78 kg côté tricolore augure de sacrés casse-têtes à venir pour le staff piloté par Christophe Massina à 447 jours de l’échéance olympique.

Point de règlement méconnu

Et puis il y a l’homme que, depuis plus de quinze ans, la catégorie des +100 kg n’appelle plus que par son prénom avec un haussement d’épaules mimant la résignation. Combien de sportifs ont-ils remporté les titres les plus exigeants de leur discipline à cheval sur trois décennies ? Le tennis a Rafael Nadal et Novak Djokovic. Le judo, lui, a désormais Teddy Riner. Famille élargie en tribunes, sourcil gauche rasé en mode commando, barbe qui s’argente doucement : six ans après sa dernière participation en championnats du monde, le Français de 34 ans, 18e mondial du fait de ses apparitions de plus en plus espacées, apparaît aussi prudent au démarrage que sachant exactement quand enclencher la deuxième dans le combat, conscient d’avoir «la caisse» pour tenir mais surtout très au fait de l’ascendant que lui confèrent d’emblée les dix étoiles de champion du monde brodées au revers de sa veste face à des adversaires qui, pour certains comme son rival nippon en quarts, avaient à peine cinq ans en 2007, année du début de son règne planétaire.

Après deux premiers tours maîtrisés face au 25e mondial roumain puis au 100e mondial polonais, le combattant du PSG judo enchaîne deux golden scores sur le fil du rasoir face au n°4 mondial, le Mongol Tsetsentsengel Odkhuu, puis face au n°5 mondial japonais Tatsuru Saito. Libéré de ces deux combats pièges gérés séquence par séquence, il expédie en demies le Tadjik Temur Rakhimov, soulevé de terre comme un cadet quelconque malgré son rang de… n°1 mondial. En finale, une autre non-tête de série l’attend, en la personne du Russe Inal Tasoev. La participation du 24e mondial avait fait polémique il y a quelques jours en raison de son titre aux championnats du monde militaires 2021, à relier au contexte russo-ukrainien actuel et aux critères d’obtention du dossard de neutralité qui lui avait été accordé. Anyway, comme le rappelle Riner, Tasoev est avant tout «un gars qui sent le judo».

La finale est enthousiasmante, indécise et mémorable. Elle s’achève malheureusement dans la confusion d’un golden score électrique, un contre du Russe a priori valable et mettant fin au combat étant inexplicablement ignoré par l’arbitre (et ses superviseurs par oreillette interposée). Quelques secondes plus tard, Riner marque pour de bon en bordure de tapis. Victoire, 11e titre mondial, ovation, Marseillaise… Quelques minutes plus tard, la FIJ dépêchera tout de même Daniel Lascau, son responsable de l’arbitrage, pour expliquer en direct aux commentateurs pourtant chevronnés de Judo TV un point de règlement méconnu expliquant la position étonnante du corps arbitral. Avant de céder la place à Teddy Riner lui-même, épuisé mais radieux, expliquant y être allé «toute la journée au mental» et arborant (déjà) un judogi à onze étoiles que lui avait secrètement préparé son staff.

Avec sept médailles dont deux en or, la France se classe au deuxième rang du classement individuel des nations derrière le Japon et devant la Géorgie. Dimanche, épreuve par équipe mixte. L’équipe de France, tenante du titre olympique, tentera de déloger le Japon, présent sans discontinuer sur la première marche du podium mondial depuis l’instauration de cette épreuve, en 2017.