Jusqu’au dernier coup de raquette de Gilles Simon, le public de Bercy espérait un ultime revirement, un dernier sursaut dont le Niçois avait habitué au cours de sa carrière. Après un dernier tournoi épatant mais à bout de forces, le maître tacticien du tennis français a tiré sa révérence jeudi, à 37 ans, en huitièmes de finale du Masters 1000 de Paris, défait en deux sets secs face au Canadien Félix Auger-Aliassime (6-1, 6-3). «Merci Gi (l) lou», écrit dans la foulée le huitième mondial en guise d’hommage, sur la caméra.
Gilles Simon rend la raquette. Et avec lui, c’est une certaine approche du tennis qui s’en va. Sa dernière danse jouée à Bercy où il avait reçu une invitation pour entrer dans le tableau principal, fut plutôt fidèle à sa carrière : increvable sur les courts, capable de faire vriller ses adversaires par sa capacité à tout ramener à défaut d’être spectaculaire, le Français est resté fidèle à ses principes cette semaine.
Par deux fois, la Fédération française de tennis avait préparé le cérémonial avec les autres «nouveaux mousquetaires», Jo-Wilfried Tsonga, retiré des courts cinq mois plus tôt à Roland, Richard Gasquet et Gaël Monfils prêts à lui rendre hommage. Il a remporté avec les deux premiers notamment, la Coupe Davis en 2017. Par deux fois, «Gillou» s’est amusé à retarder l’échéance. Il s’est d’abord bagarré 2 h 50 au premier tour contre l’ex-numéro un mondial Andy Murray, puis 3 h 06 contre l’Américain Taylor Fritz, 11e mondial.
Trop entamé, il n’avait plus le physique pour résister à Auger-Aliassime, l’un des jeunes (22 ans) les plus en forme du moment puisqu’il vise à Bercy un quatrième titre en quatre semaines après s’être imposé à Florence, Anvers et Bâle. La ferveur du public a été rapidement éteinte quand Simon s’est retrouvé totalement dépassé dès le début de la partie : 3-0 puis 5-1.
💙🤍❤️ 𝗠𝗲𝗿𝗰𝗶 𝗚𝗶𝗹𝗼𝘂 !
— Eurosport France (@Eurosport_FR) November 3, 2022
La superbe carrière de Gilles Simon s'arrête en 8e de finale du #RolexParisMasters face à Felix Auger-Aliassime... #HomeOfTennis pic.twitter.com/GFfD1y7yqY
On a un temps cru au scénario catastrophe lorsque le Français s’est tenu la cuisse gauche de douleur dans le dernier jeu de la première manche. Plus le match avançait, plus Simon a chancelé sur ses cuisses, mais a refusé de rendre les armes et s’est battu jusqu’au bout du bout du bout. «J’ai un énorme respect pour Gilles et pour tout ce qu’il a fait pour le tennis français et pour la communauté du tennis en général. Je savais que ce serait un match difficile, c’est sûr que c’est un moment très spécial, c’est un moment énorme de se retirer (du circuit)», a glissé «FAA».
«On m’a toujours vu moins fort que ce que j’étais»
Pour Gilles Simon, c’est l’épilogue de vingt et une saisons passées à écumer les courts, lui qui a débuté sur le circuit professionnel en 2002. Plus de deux décennies au cours desquelles Simon s’est évertué à compenser par une science du jeu et un sens tactique rares des moyens limités, lui qu’on n’attendait pas aussi haut avec son physique fluet (1,83 m, 70 kg). «On m’a toujours vu moins fort que ce que j’étais, dit l’intéressé. Je n’étais déjà pas celui qu’on imaginait en premier, ne serait-ce que dans les cent meilleurs joueurs du monde, alors encore moins dans les cinquante, les vingt, les dix….»
Au cours de sa carrière, Simon, dont le meilleur classement fut un 6e rang mondial le 5 janvier 2009, a été l’un des rares joueurs à avoir battu chaque membre du fameux «Big four», à savoir Roger Federer (deux fois), Rafael Nadal (1), Novak Djokovic (1) et Andy Murray (3). «Il a fait dérailler tous les joueurs parce qu’il ne faisait aucune faute. Il était très dur à jouer : une grosse condition physique, il se servait de la puissance de l’adversaire, il courait beaucoup, a d’ailleurs salué Gasquet en début de semaine. Jeune, à 12, 13, 14 ans, il n’avait pas forcément les meilleurs atouts. Mais par la suite, ça a été un joueur très dur à manœuvrer pour tout le monde.»
A l’heure de faire les comptes, son palmarès le place très haut dans le tennis masculin français : 14 titres ATP - le premier à Marseille en 2007, le dernier à Metz en 2018 - il est le quatrième Français le plus titré de l’ère Open (depuis 1968), derrière Yannick Noah (23), Jo-Wilfried Tsonga (18) et Richard Gasquet (15). Seuls Gasquet (588) et Gaël Monfils (525) ont fait mieux que ses 504 victoires. Dans la catégorie des Masters 1000, ses 124 matchs gagnés le placent au second rang derrière Gasquet (140).
Seule ombre au tableau : il n’a jamais pu se hisser au-delà des quarts de finale en Grand Chelem (il en a joué deux, à l’Open d’Australie 2009 et à Wimbledon 2015). Et un regret : cette défaite en cinq sets en huitièmes de finale de l’US Open 2014 contre le Croate Marin Cilic, futur vainqueur de l’épreuve, qui ne perdra plus un seul set du tournoi.
Il n’aura plus d’occasion aussi franche, son physique en déclin poussant petit à petit vers la sortie ce maître à faire déjouer. «J’ai fait tout ce que je pouvais pendant longtemps. Mon corps a atteint ses limites», soufflait-il déjà à Roland-Garros cette année. Simon y avait fait ses adieux en s’invitant au troisième tour, pour sa 17e et dernière participation. Cette fois, comme il l’a promis à sa famille venue l’applaudir dans les gradins de Bercy, «c’est terminé maintenant !»