L’image restera. Deux des plus grands joueurs de l’histoire du tennis assis sur une banquette, en larmes, les yeux dans le vague et main dans la main. Juste après leur défaite en double face à la paire américaine Sock-Tifaoe en Laver Cup, il a fallu de longues minutes à Roger Federer et Rafael Nadal pour réaliser : oui, la carrière professionnelle du maestro suisse est désormais terminée.
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Avec 103 titres sur le circuit ATP, dont 20 en Grand Chelem, 310 semaines en tête du classement, dont 237 d’affilée lors de sa plus longue période de règne, l’empreinte du «roi» Federer sur le tennis n’est pas près de s’estomper.
Un immense frisson avait parcouru la O2 Arena et ses quelque 17 000 spectateurs au moment de sa dernière entrée sur un court en tant que tennisman professionnel. C’est sous les applaudissements et les larmes qu’il l’a quitté au beau milieu de la nuit.
«Cela a été une journée merveilleuse, je l’ai dit aux gars, je suis heureux, je ne suis pas triste, c’est merveilleux d’être ici, a assuré le champion suisse de 41, malgré des yeux déjà brillants. Je n’ai pas eu un feu d’artifice dans ma tête où je voyais ma carrière défiler ou ce qui va me manquer. Ça, c’était il y a des semaines, quand je passais des coups de fil pour l’annoncer à certains. Ça m’a fait mal mais ce soir, c’était que de la joie».
Il avait choisi la Laver Cup, un match par équipe entre l’Europe et le Reste du Monde, qu’il a contribué à créer, à Londres, une ville témoin de certains de ses plus grands exploits à Wimbledon ou aux Masters, pour tirer sa révérence.
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L’émotion gagnant petit à petit, Federer a tenté d’en plaisanter avec l’ancien joueur Jim Courrier, qui l’a interrogé sur le court et devant le public sur ses premiers sentiments d’ex-tennisman professionnel : «On va y arriver d’une façon ou d’une autre, hein ?», a-t-il glissé, la gorge serrée.
Après un an et demi sans jouer et avec un genou droit qui l’a contraint à cette retraite, il craignait «un pépin au mollet ou un dos bloqué pendant le match, donc je suis vraiment content de l’avoir fini». Même si cela se termine sur une défaite 6-4, 6-7 (2/7), 9-11, en double avec son rival et ami Rafael Nadal, contre les Américains Jack Sock et Frances Tiafoe, dans cette compétition qui oppose Europe et Reste du Monde.
Après la balle de match, tous les joueurs bleus (Europe) lui sont tombés dans les bras pour de longues embrassades teintées de larmes, de Nadal à Novak Djokovic en passant par Andy Murray.
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Mais le plus dur pour lui a été d’évoquer sa famille présente dans les tribunes. «On doit vraiment en passer par là ?», a-t-il demandé, avant de se raviser et de rendre hommage à son épouse, Mirka, rencontrée il y a 22 ans, qui l’a «tellement soutenu».
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Après presque un an et demi sans jouer, Federer avait choisi un match en double, exercice où sa qualité de service, son toucher et son coup d’œil font encore merveille.
«La partie qui me faisait le plus peur, c’était de parler au micro»
Cela lui a permis aussi de s’entourer d’une équipe, et quelle équipe ! Il avait à ses côtés Nadal, son partenaire d’un soir, mais aussi Novak Djokovic et Andy Murray, deux joueurs de sa génération et qu’il a vu progresser jusqu’à contester sa supériorité et même le dépasser, ainsi que la relève, incarnée par Casper Ruud, Stefanos Tsitsipas et Matteo Berrettini, qui le remplacera pour la suite de la Laver Cup.
La présence sur le banc de Björn Borg, comme capitaine, ainsi que celles de John McEnroe sur celui du Reste du Monde et de Rod Laver, premier joueur à avoir remporté deux fois les quatre Grand Chelems sur une année civile et à qui la compétition rend hommage, ne dépareillait dans cette fête du tennis.
La formule de la Laver Cup, qui permet à toute l’équipe d’approcher les joueurs aux changements de côté pour prodiguer conseils ou encouragements, a donné une ambiance très conviviale.
Et si le match en lui-même a parfois eu des airs d’exhibition, ne pas le jouer à fond aurait presque été un crime de lèse-majesté. «On va profiter du moment mais on ne retiendra pas nos coups, désolé Roger», avait prévenu Sock avant le match.
Malgré quelques limites, Federer a répondu présent. «Honnêtement, j’ai été surpris de pouvoir si bien jouer ce soir, et j’en ai juste profité. Cela a été génial du début à la fin», a-t-il assuré.
Le deuxième set, perdu au tie-break (7-2), a offert un épilogue dramatique avec un chassé-croisé intense pendant le super tie-break final. Federer a même servi pour le match à 9-8, mais ce sont finalement les Américains qui ont un peu gâché la fête en gagnant finalement 4-6, 7-6 (7/2), 11-9.
En regard de la carrière incroyable et de l’importance qu’il aura eu dans l’évolution de ce sport au XXIe siècle, cette défaite sera une péripétie et lui-même s’est dit prêt à sa nouvelle vie qui a commencé dans la nuit londonienne.
«La partie qui me faisait le plus peur, c’était de parler au micro […] Mais j’ai réussi à garder en tête […] à quel point la journée avait été merveilleuse, que ce n’était pas la fin, que la vie continue».
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