Décidément, Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert n’aiment pas les matchs faciles. Il leur aura fallu trois sets, 4-6, 7-6, 6-4, pour aller chercher ce deuxième titre à Roland-Garros. C’est peu dire qu’ils se sont fait peur dans cette finale contre une paire kazakhstanaise redoutable sur toute la première moitié du match. Andrev Golubev et son talentueux jeune partenaire Alexander Bublik ont même servi pour le match en deuxième manche. Mais c’était sans compter sur la ténacité des deux Français et le soutien indéfectible d’un public trop heureux de voir deux compatriotes en finale après la bérézina chez les dames et les messieurs en simple.
Déjà dans la première manche, les deux Français, dominés 5 jeux à 2, ont fait preuve d’une résistance acharnée pour revenir à 5-4 avant de s’incliner sur le très bon service de Bublik. Le deuxième set est plus disputé, les Français peinent à s’imposer à cause de petites erreurs qui leur coûtent cher. Breakés au cinquième jeu, Herbert et Mahut n’y arrivent pas jusqu’à 5-4 alors que Bublik sert pour le match. Le jeu tricolore se fait alors plus précis, les Kazakhes sont plus tendus et concèdent finalement le débreak sur une double faute. Il n’en fallait pas moins : le public exulte et ses chouchous roulent sur le tie-break et ne laissent qu’un seul petit point à leurs adversaires.
Après une Marseillaise mise en sourdine par les pubs du stade, le match retrouve une forme d’équilibre. Jusqu’au quatrième jeu où les Français se font encore peur sur deux balles de break magistralement sauvées. La confiance change de camp. Herbert et Mahut s’offrent une première balle de break au cinquième jeu, mais il faudra en attendre deux autres et le septième jeu pour les voir prendre l’avantage. Les gradins tremblent alors sous un «Qui ne saute pas n’est pas français», qui résonne comme dans un stade de foot. Golubev et Bublik ne lâchent rien mais n’arrivent pas à revenir. C’est Pierre-Hugues Herbert qui va délivrer le Philippe-Chatrier sur un service que Bublik n’arrive pas à renvoyer.
«Sans vous, ça aurait été impossible»
Les Français s’offrent un deuxième titre à Paris, un cinquième en Grand Chelem qu’ils ont tous gagné (US Open en 2015, Wimbledon en 2016, Roland-Garros en 2018, Open d’Australie en 2019). Nicolas Mahut est ému aux larmes. Il regarde hébété les gradins, jusqu’à ce que Fabrice Santoro lui offre la parole. «D’habitude, on termine toujours par le public. Aujourd’hui, on est obligé de commencer par vous tellement c’était extraordinaire de vous avoir pendant deux semaines», s’étouffe le joueur. «Après cette année, le fait de pouvoir vivre ces six matchs avec vous, et en plus de vous ramener la coupe, c’est juste irréel», insiste Pierre-Hugues Herbert.
Car ils sont allés la chercher au forceps cette victoire, ce nouveau titre. En demi-finale déjà, où il a fallu sauver trois balles de match contre le duo colombien Juan-Sebastian Cabal et Robert Farah, 2e mondiaux. «Sans vous, ça aurait été impossible», souligne Nicolas Mahut. A part le quart de finale, la paire est allée chercher tous ses matchs en trois sets. Une victoire grâce au public et aussi à l’expérience d’une équipe qui se suit depuis dix ans et qui marche toujours aussi bien. Les Kazakhstanais n’ont pas démérité, surtout pour une paire qui s’est formée simplement cette année et qui disputait là sa première finale de Grand Chelem après un huitième cet hiver à l’Open d’Australie.
Quel plaisir de voir ces deux Français victorieux chez eux à Paris. Surtout après tout ce qui s’est dit ces deux dernières semaines à propos du tennis français. Cette victoire, comme celles des juniors français (Luc Van Assche en simple, Arthur Fils et Giovanni Mpetshi Perricard en double), vient largement compenser la déception de n’avoir vu aucun Français en deuxième semaine des tableaux simple. D’autant que pour Pierre-Hugues Herbert et Nicolas Mahut, l’ambition ne s’arrête pas là : cet été, ils vont s’envoler pour Tokyo, et avec cette victoire à Roland-Garros, ils prouvent qu’ils sont largement capables d’aller chercher le dernier titre qu’ils n’ont pas : la médaille d’or aux JO.