La finale de ce Roland-Garros s’est-elle jouée vendredi soir ? Il est certes difficile d’imaginer que le match de dimanche atteindra les sommets de la demi-finale opposant Novak Djokovic et Rafael Nadal. Mais le Serbe n’a pas encore la Coupe des Mousquetaires entre les mains, loin de là. Pour remporter une nouvelle fois Roland-Garros et ainsi devenir le premier joueur de l’ère Open à épingler deux titres de chaque Grand Chelem à son palmarès, il devra venir à bout d’un des hommes les plus en forme de cette saison : Stéfanos Tsitsipás.
Numéro un mondial à l’ATP Race (classement qui détermine le joueur ayant le plus de points sur la saison en cours), le Grec semble dans une forme olympique. En attestent ses récents résultats sur terre battue : finaliste à Barcelone, il a depuis remporté deux nouveaux titres à Monte-Carlo et à Lyon. Le Grec impressionne depuis le début de la quinzaine. Avant sa demi-finale remportée avec les tripes contre l’Allemand Alexander Zverev (6-3, 6-3, 4-6, 4-6, 6-3), il n’avait perdu qu’un petit set en cours de route (au troisième tour contre John Isner). «Il se sent à sa place, confie à Libération Patrick Mouratoglou, mentor du jeune grec. C’est sa quatrième demi-finale en Grand Chelem. Il est dans un état d’esprit où pour lui, c’est la victoire ou rien.»
Une finale «très physique»
Novak Djokovic aura fort à faire pour canaliser l’agressivité en coup droit de Stéfanos Tsitsipás et trouver des failles dans sa couverture de terrain exceptionnelle. Mais le Serbe est prêt. Il ne l’a que trop bien montré vendredi face aux maîtres des lieux. «Je sais ce que je dois faire [face à Tsitsipás], assurait le «Djoker» après sa victoire. C’est évidemment un grand exploit pour lui puisque c’est la première fois qu’il est en finale d’un Grand Chelem. Mais il ne va pas s’arrêter là. Il est en grande forme physique. Il a gagné en maturité aussi, en tant que joueur sur la terre battue, sans oublier que c’est sa surface privilégiée. On a joué un match en demi-finale en cinq sets de grande qualité ici l’année dernière [victoire du Serbe 6-3, 6-2, 5-7, 4-6, 6-1]. Je pense donc que ce match sera difficile. J’espère que je vais pouvoir recharger mes batteries autant que possible, parce que j’ai vraiment besoin de puissance de feu pour dimanche.»
C’est une des grandes questions en suspens : le numéro un mondial aura-t-il récupéré de sa bataille physique et psychologique contre le Taureau de Manacor ? «Ce n’est pas la première fois que je dispute une demi-finale épique en Grand Chelem et qu’ensuite je dois disputer la finale moins de quarante-huit heures après. Mes capacités de récupération sont plutôt bonnes et mon kiné va faire tout ce qu’il a en son pouvoir pour que je sois frais et dispos.» Stéfanos Tsitsipás est prévenu. Lui qui a également dû puiser dans ses réserves pour se sortir des griffes d’Alexander Zverev en demi-finale, s’attend déjà à un combat «très physique».
Deux dimensions
«Les chances sont objectivement en dessous de 50 % parce qu’on a affaire pour moi au meilleur joueur de l’histoire», estime Patrick Mouratoglou. S’il y a peu de failles dans le jeu du Serbe depuis le début de ce tournoi, ses entames de match laissent parfois à désirer. Que ce soit contre l’Italien Lorenzo Musetti en huitième de finale où il est mené deux manches à zéro ou encore en demi, contre Rafael Nadal, où il prend cinq jeux d’entrée. «Je ne crois pas un mauvais début de match, relativise le coach français. Novak était en perte de confiance ces derniers mois et il avait justement besoin d’un match comme celui-là, contre Rafa, pour la retrouver.»
Pour l’entraîneur, Stéfanos Tsitsipás a les armes pour venir titiller le numéro un mondial comme il l’a démontré lors de leur dernière confrontation à Rome début mai (défaite 4-6, 7-5, 7-5). Sa «capacité à varier en revers» d’abord, ainsi que son «coup droit exceptionnel». Le joueur de 22 ans peut aussi compter sur son impressionnante réussite au filet depuis le début de la quinzaine. «Il est temps pour moi de saisir ma chance, et de montrer que je suis capable de jouer contre Rafa ou Novak, assurait-il juste après sa demi-finale. Je suis très content de changer de braquet, monter d’un niveau et d’y aller.»
Stéfanos Tsitsipás est lucide. Son match contre Alexander Zverev a beau avoir électrisé le public vendredi, les deux joueurs de la Next Gen ne pédalaient clairement pas sur le même plateau que leurs deux aînés qui ont offert dans la foulée une performance titanesque. Si d’aventure le 5e joueur mondial venait à réaliser l’exploit de battre le Djoker dimanche, il deviendrait le premier Grec de l’histoire à gagner un titre du Grand Chelem. Une statistique pourrait l’aider à croire en ses chances : jamais personne n’a remporté Roland-Garros après avoir battu Rafael Nadal (ni Söderling en 2009, ni Djokovic en 2015). Comme quoi, une finale n’est jamais jouée d’avance.
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