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Déjà grand

Roland-Garros 2024 : Carlos Alcaraz s’impose face à Alexander Zverev et remporte son premier titre

Roland-Garros 2024dossier
A 21 ans à peine, l’Espagnol s’est imposé ce dimanche 9 juin en finale du tournoi (6-3 ; 2-6 ; 5-7 ; 6-1 ; 6-2). Il possède déjà trois Grand Chelem à son palmarès : un sur chaque surface.
Carlos Alcaraz à Roland-Garros ce dimanche 9 juin. (Alain Jocard /AFP)
publié le 9 juin 2024 à 19h32
(mis à jour le 9 juin 2024 à 19h58)

A quarante-huit heures de sa première finale à Roland-Garros, Carlos Alcaraz avait fait un bond dans le passé. Devant les journalistes, il s’était replongé dans son enfance, passée en banlieue de Murcie, dans le sud de l’Espagne. Il avait raconté ces fins de journée de mai et de juin, quand, haut comme trois pommes, il courait en rentrant de l’école pour se jeter sur la télé et y regarder Rafael Nadal écrire sa légende Porte d’Auteuil. «C’était incroyable, se souvenait Alcaraz, nostalgique. Je me disais : moi aussi, je veux ajouter mon nom à la liste des Espagnols qui ont gagné ce tournoi.»

Ce dimanche 9 juin, le gamin d’El Palmar l’a fait. En battant Alexander Zverev en cinq sets (6-3 ; 2-6 ; 5-7 ; 6-1 ; 6-2), Carlos Alcaraz a soulevé à 21 ans à peine sa première coupe des Mousquetaires. Avec trois Grand Chelem au compteur (US Open 2022, Wimbledon 2023 et Roland-Garros 2024), il marque déjà l’histoire de son sport : jamais un joueur aussi jeune n’avait réussi à s’imposer sur les trois surfaces (dur, herbe, terre battue). Histoire de resituer l’exploit, Nadal l’avait fait à 22 ans, Federer à 27 et Djokovic à 29.

Tension

Pour en arriver là, pour Carlos Alcaraz, la bataille a été longue. Contrairement aux huit Alpha Jet de la patrouille de France, passés toute bombe au-dessus du court Philippe-Chatrier, l’Espagnol et son adversaire du jour ont démarré la partie piano. Des gradins, pour une fois bien garnis, on sent les deux hommes stressés. Alexander Zverev le montre bien : lui, l’excellent serveur (64 aces au compteur depuis le début du tournoi), commence par deux doubles fautes avant de changer de raquette – c’est toujours la faute de la raquette.

D’abord pas beaucoup plus vaillant, Alcaraz le bouscule quand le match commence vraiment, une fois les vingt premières minutes de chauffe passées. La grosse douzaine de rebonds que Zverev inflige à la balle avant chaque service n’endort que lui. Qu’il serve à 220 kilomètres-heure ou pleine ligne, rien n’y fait : l’Espagnol remet tout et prend les devants au bout de trois quarts d’heure (6-3). L’occasion de dépoussiérer les livres d’histoire : dans sa courte carrière, Alcaraz s’était retrouvé 46 fois avec un set d’avance en Grand Chelem. Il a gagné 45 fois.

Coups de gueule vers son clan, raquette qu’il se retient d’exploser par terre, arbitre qu’il contraint à faire descendre de sa chaise pour vérifier une marque… Frustré de ne pas réussir à manœuvrer son adversaire comme il le souhaite, «Sascha» Zverev paraît à deux doigts du craquage. Sa frustration, il la passe dans son tennis : comme souvent, plus le match avance, plus il tape fort. Alcaraz reçoit des missiles de services qu’il renvoie collés à la bâche de fond de court. S’il pouvait s’asseoir en tribunes pour prendre plus de recul, probablement qu’il le ferait aussi. Rien n’y fait, l’Espagnol prend l’eau. Un set partout, balle au centre.

Conscient de la surpuissance de son adversaire lorsque les échanges s’éternisent en fond de court, «Carlitos» tente de varier son jeu. Il amène l’Allemand au filet, le fait repartir en fond de court, puis revenir au filet. La tactique marche un temps. Mais Zverev est un mur qui renvoie tout. Malgré son mètre quatre-vingt-dix-huit, il se déplace comme une gazelle et saute sur les balles comme un guépard. Alcaraz déraille et perd la manche. La faute au manque de terre battue sur le court, dit-il à l’arbitre – Djokovic s’en était également plaint il y a quelques jours.

Fatigue

On ne sait pas si c’est le coup de balai passé au changement de côté, mais le début du quatrième acte sourit à l’Espagnol. Son entrée de set est dantesque quand son adversaire accuse le coup. Un appel au kiné, puis au médecin, pour ce qui ressemble à une gêne à l’adducteur gauche, jette un petit froid sur le court. Mais la patte gauche d’Alcaraz semble tenir : au terme d’une manche décousue (6-1), il emmène les 15 000 spectateurs du Chatrier dans un cinquième set tendu au possible. Ce n’est que la troisième fois qu’une finale est aussi disputée au XXIe siècle.

Arrivée à ce stade, l’affaire se joue sur des détails. Il y a le mental d’un côté – les deux sont des machines dans le genre, imbattables ou presque dans les moments tendus. La fatigue de l’autre. Avantage Alcaraz dans ce domaine : Zverev a passé dix-neuf heures et vingt-sept minutes sur les courts pour arriver en finale, soit une grosse heure de plus que n’importe quel finaliste depuis trente ans. Sous sa grande carcasse, l’Allemand a de la réserve, mais elle n’est pas illimitée. Lui qui a si longtemps semblé infatigable pioche sec en cette fin de match et ça se voit : la balle gicle moins de sa raquette, il fait quelques fautes grossières et s’effondre petit à petit. Pas forcément plus frais, l’Espagnol s’en sort grâce à quelques coups de génie quand l’échange se tend. La manche bascule assez logiquement en sa faveur sur une ultime faute de Zverev (6-2) et le match avec.

Sur le court, Carlos Alcaraz explose de joie et s’écroule. Puis il court en tribunes sauter dans les bras de son clan, les yeux rougis et un grand sourire aux lèvres. Le même qu’il arborait déjà, gamin, quand il répétait ses gammes sur la terre battue espagnole. «Je joue avec passion. Je joue avec ce rêve, le rêve de l’enfant qui voulait être dans ce genre de situation», nous expliquait-il vendredi 7 juin. Ce dimanche après-midi, le rêve est devenu réalité.