Plus les matchs défilent, plus il est permis de se demander si Iga Swiatek n’est pas en train de se «Nadaliser». A savoir, devenir imbattable ou presque lorsque vient la quinzaine de Roland Garros. Jeudi, la numéro un mondiale est parvenue à rallier sa troisième finale consécutive Porte d’Auteuil, en disposant aisément de l’Américaine Coco Gauff dans un remake de la finale de 2022 conclu plus difficilement qu’il n’y paraît.
Parce que Gauff, 20 ans, a deux ans de plus et qu’à cet âge, les progrès en technique et puissance sont fulgurants. Et puis parce que, comme elle l’a dit avant la rencontre, la numéro 3 mondiale n’avait «rien à perdre». Elle s’est marrée quand un confrère lui a signalé qu’en effet, l’Américaine restait sur 10 défaites en 11 matchs contre Swiatek. Dont une à peine un mois plus tôt sur terre, en deux sets tout secs (6-4, 6-3).
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La jeune surdouée n’aura pas montré beaucoup mieux ce jeudi en demie : 6-2, 6-4 en 1 h 35. Avec cette terrible impression qu’elle aura pourtant joué à son niveau. Surmotivée mais trop fougueuse, l’Américaine est toutefois entrée trop offensive dans la partie, multipliant les balles trop longues, quand son opposante se contentait de les faire vivre dans les délimitations du court sans trop appuyer. Un temps, l’Américaine a fait vaciller son adversaire grâce à des revers à plat bien sentis.
Mais - et ça ne date pas d’aujourd’hui - la Polonaise dispose sous sa visière d’une ahurissante capacité à serrer le jeu lorsque les points comptent double ou triple. Sur les rares balles de débreak qu’elle a dû défendre, elle n’a laissé que d’infimes opportunités à Gauff, la plupart du temps incapable de les saisir.
Un lift infernal en coup droit
Et puis, pour peu qu’on puisse tisser la comparaison avec Nadal, Swiatek partage avec l’Espagnol - toutes proportions gardées - ce lift infernal en coup droit. Un coup de raquette du bas vers le haut qui fait tournoyer la balle pour la faire rebondir parfois à hauteur d’épaules, avec plus de vitesse. Pour la receveuse, compliqué d’en remettre plus sous peine de partir dans le décor.
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Souvent lorsqu’elle a voulu forcer un peu dans ces situations, Gauff s’est brûlée. Parfois, elle a tenté de casser le rythme en distillant des amortis. Ils ont été peu fiables. Heureusement, l’Américaine a pu s’appuyer sur son nouvel outil, qu’elle a reconfigurée ces derniers mois : son service. Quand il a fait chaud sur son engagement, certains aces ont été les bienvenus - on en a répertorié un à 202km/h. Celle qui détenait le record de doubles fautes au printemps en fait bien moins désormais. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’en fait plus : 4. De quoi la placer parfois dans de fâcheuses postures sur le Central.
La lauréate de l’US Open 2023 a tout de même offert une franche opposition en fond de court. Elle a réussi la prouesse de prendre le service de son adversaire une fois, à 2-1 dans la seconde manche. Mais comme à Rome début mai, elle n’a pas pu confirmer derrière. Dos au mur, Swiatek a alors intensifié les gifles. Tout le long du set. Jusqu’à ce que la dernière balle soit en sa faveur. Cela fait donc 20 matchs et une défaite en quarts du millésime 2021 contre la Grecque Maria Sakkari que la Polonaise n’est plus repartie de Paris la tête basse.
Paolini trop forte pour Andreeva
En finale, Swiatek se coltinera une surprise : Jasmine Paolini, récente 12e mondiale mais encore hors du top 30 il y a de cela sept mois. Bien décidée à maintenir intacte son ambition d’un improbable sacre intacte, l’Italienne s’en est donné les moyens face à la grande promesse du jeu Mirra Andreeva, 17 ans à peine, (6-2, 6-1). «Nerveuse» mais appliquée, Paolini a été à l’initiative des échanges d’emblée, prenant à son compte le récit du match, dans une arène du Chatrier vidée aux trois quarts par rapport au précédent match, avant de se reremplir laborieusement. Une partie de l’explication se trouvant peut-être dans l’immense file d’attente à proximité du stand de glace situé aux abords de l’enceinte, mais tout de même.
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Certes moins flashy sur le papier, cette demie se présentait pourtant comme la plus «ouverte» entre deux prétendantes qui découvraient pour la première fois ce stade de la compétition. Après son exploit au tour précédent contre la numéro 2 mondiale Sabalenka, Mirra Andreeva avait émis l’hypothèse que cette rencontre «sera un peu le même type de match que (mercredi)». La teenager russe a eu bien raison. Il a été question du même schéma avec Paolini en lieu et place de Sabalenka, et une Mirra Andreeva aux frappes encore un peu trop tendres, tenue à faire ce qu’elle maîtrise déjà très bien malgré son jeune âge : remettre, remettre, remettre, en attendant une balle adverse cotonneuse, pour soudainement contrer.
Malheureusement pour elle, une Paolini trop concentrée, trop précise, ne lui a pas offert beaucoup d’occasions du type. Elle a en revanche su saisir la sienne sur la première balle de match. Voilà que l’Italienne, qui n’était jamais parvenue à se hisser au-delà du 2e tour d’un Grand Chelem en 16 tentatives, se trouve maintenant à l’aube de sa première finale de Majeur, à 28 ans. Le plus grand défi de sa carrière, à n’en point douter.
Mis à jour : à 18 h 35 avec le résumé de la seconde demi-finale.