Il n’est pas interdit de penser que Caroline Garcia s’avère être la joueuse la plus frustrante du circuit féminin. Mercredi, la cheffe de file de la délégation française a de nouveau laissé ce fâcheux goût d’inachevé dans l’esprit du public parisien. Celui d’un match dans ses cordes, qu’elle a elle-même laissé filer.
Comme l’année dernière, lorsqu’elle avait été évincée au même stade de la compétition contre la Russe Anna Blinkova. Comme en 2022, comme en 2021, comme bien des fois auparavant. Il faut dire que cette année, la Française n’a pas bénéficié d’un tirage clément, en croisant le fer très tôt avec Sofia Kenin, finaliste de l’édition 2020, qu’elle n’a jamais battue. Mais l’Américaine, 56e, en panne de victoires entre le mois de janvier et la mi-avril, débarquait Porte d’Auteuil avec encore moins de certitudes que Garcia.
Que la Française arrive en tenue de 4e mondiale comme en 2023, ou hors du top 20 comme cette année, demeure cette fâcheuse impression que l’équation reste et restera toujours la même pour elle. Comment jouer l’esprit totalement libre ? Déjà au premier tour, la numéro 23 mondiale avait mis une heure à se détendre, prendre la mesure de sa faible opposante, l’Allemande Eva Lys sortie des qualifications, avant de renverser la donne et l’emporter deux manches à une.
Portrait
Mercredi, Garcia s’était lancée idéalement, dans un Court Central dont on peine à comprendre qu’il soit à moitié vide, alors que des trombes d’eaux noient tous les autres courts à l’extérieur, ne laissant que deux affiches se dérouler. Puis elle s’est mise dans le doute, en lâchant des points tout faits, en compilant des doubles fautes, en empilant énormément de fautes directes. C’est tout le vice de son jeu : offensif à l’extrême, il peut la rendre redoutable quand elle est en confiance, mais ses adversaires savent qu’elle peut dérailler à chaque instant. Kenin a laissé passer la foudre, et attendu que Garcia sorte de son match (6-3, 6-3).
Equilibriste
Lorsqu’elle joue son meilleur tennis, Garcia peut ferrailler avec n’importe qui dans le tableau. Y compris les membres du top 4 qui semblent aujourd’hui un cran au-dessus de la concurrence. Preuve en est : son succès sur terre en mars contre l’Américaine Coco Gauff, finaliste à Roland.
Mais la Lyonnaise évolue constamment sur un fil. Un tennis d’équilibriste, qui la maintient dans un état de tension mentale permanente. La Française travaille pourtant d’arrache-pied sur cet aspect, et depuis des lustres. Plus globalement sur son bien-être personnel. Au printemps, elle a lancé un podcast, «Tennis Insider Club» avec son compagnon, l’Espagnol Borja Duran. Première «invitée», elle s’est confiée sur sa vie de joueuse et de femme, évoquant les joies d’un titre au Masters 2023, mais aussi les doutes, les blessures et la pression. Une manière de sortir de sa «zone de confort», mais aussi de «faire d’autres choses que d’être seulement joueuse de tennis».
Mais lorsqu’elle apparaît en tournoi, et à chaque fois l’enjeu finit par prendre le dessus, dans des proportions parfois oppressantes, comme à l’Open d’Australie en début d’année. «Pourquoi je me mets dans un état pareil ? J’en sais rien, je n’arrive pas à passer au-dessus. Ça me bouffe», soufflait-elle. «Je n’arrive même plus à respirer dans le match.» Comme si ce costume de numéro 1 française qu’elle arbore depuis si longtemps se révèle trop impossible à porter. Sa partition du jour ne va pas la rassurer, à deux mois des JO de Paris. Il ne reste plus que deux Françaises à Roland.