Depuis le tirage au sort il y a deux semaines, c’est comme s’ils s’étaient donné rendez-vous. Tombés dans la même partie de tableau, Carlos Alcaraz et Novak Djokovic étaient programmés pour croiser le fer en demi-finale. Pour cela, il fallait que le numéro 1 mondial de 20 ans et le co-détenteur du record de Grand Chelem gagnés (22) remportent chacun cinq matchs consécutifs. C’est désormais chose faite.
En début d’après-midi ce mardi 6 juin, Novak Djokovic a écarté le Russe Karen Khachanov pour filer dans le dernier carré. Carlos Alcaraz l’a imité dans la soirée, offrant une démonstration face à Stéfanos Tsitsipás sur le court Philippe-Chatrier. Ils s’affronteront ce vendredi pour une place en finale.
Djokovic, en mode diesel
Si on devait dresser un portrait chinois du Novak Djokovic version Roland 2023, on le verrait bien en boa constricteur. Comme le serpent, le Serbe semble d’abord prendre son temps, étudier sa victime et lui laisser croire qu’une issue positive est possible. Avant, jeu après jeu, de s’enrouler autour d’elle et de la regarder se débattre puis mourir à bout de forces.
Sur l’ocre parisien, certains résistent mieux que d’autres. Au deuxième tour, le Hongrois Fucsovics aura tenu un set, jusqu’à perdre le tie-break et se faire balayer derrière. Au troisième, l’Espagnol Davidovich Fokina en aura tenu deux, perdus là encore au tie-break, avant de s’écrouler (6-2) dans la troisième. Ce mardi 6 juin, en quart de finale, le Russe Karen Khachanov aura aussi résisté deux sets avant de mourir d’épuisement sous les coups du boa Djokovic. Une victoire du Serbe en quatre sets (4-6, 7-6, 6-2, 6-4), 3 h 38 de jeu et une qualification dans le dernier carré de Roland-Garros.
Demi-finaliste lors de ses deux dernières sorties en Grand Chelem (US Open et Open d’Australie), vaincu en huitième de finale l’année dernière par Carlos Alcaraz, Khachanov présentait sur le papier un CV plus étoffé que les précédents adversaires du Serbe. Mais s’il avait déjà battu Djokovic, en finale à Bercy en 2018, il restait depuis sur neuf revers de suite face au numéro 3 mondial. Un dixième est venu s’ajouter à sa collection.
Deux sets accrochés puis une démonstration
Dans le premier set, le Russe joue juste, tient son service (aucune balle de break pour Djokovic) et profite des cadeaux de son adversaire. Un break suffira pour qu’il s’adjuge la première manche (6-4 et 17 fautes directes pour «Djoko» contre huit pour Khachanov). La deuxième est plus équilibrée. Les fautes se répartissent et les deux joueurs se neutralisent sur leurs jeux de service respectifs. Aucune balle de break de part et d’autre, le set file au tie-break. Moment choisi par Nole pour appuyer sur l’accélérateur : 7-0 envoyé en deux minutes. Deux heures de jeu et un partout, service Khachanov.
Djokovic enchaîne. Un break d’entrée, avec l’aide du filet, puis une démonstration tout le long du set : le Serbe gagne 16 de ses 17 points au service, la moitié sur celui du Russe et ne commet qu’une faute directe. Suffisant pour remporter la troisième manche 6-2. Khachanov a pris un coup sur la tête. La quatrième est plus disputée, Djokovic perd une fois son service mais prend deux fois celui de son adversaire. Avant de terminer sur un ace, son onzième du match, pour filer en demi-finale.
Alcaraz, balade nocturne
Quitte à rester dans la métaphore animale, on verrait bien Carlos Alcaraz en éléphant. Depuis le début du tournoi, l’Espagnol arrive, écrase son adversaire sans presque prendre le temps d’esquisser un sourire, et repart aussi vite avec un peu de sang sous les sabots. Tout juste a-t-il laissé un set en cours de route, on ne sait trop comment, face au Japonais Taro Daniel au deuxième tour. Mais désormais la machine est réglée et rien ne semble pouvoir lui résister.
Ce n’est pas Stéfanos Tsitsipás qui dira le contraire. Cinquième joueur mondial, finaliste de l’Open d’Australie en janvier, demi-finaliste sur terre au Master 1000 de Rome il y a deux semaines, le Grec s’est fait ridiculiser sur le court Philippe-Chatrier. En à peine plus de deux heures (2h12), Alcaraz s’est imposé 6-2, 6-1, 7-6. C’est tout juste si la nuit n’était encore tombée porte d’Auteuil que le quart de finale était déjà terminé.
Dès le premier point du match, Carlos Alcaraz donne le ton. Quelques échanges et Stéfanos Tsitsipas envoie un revers croisé un peu mou. L’Espagnol pivote comme il le fait si bien et balance une mine long de ligne en coup droit que le Grec ne peut que regarder passer. Robotique, en mission, il ne s’attarde même pas pour célébrer. Il n’a pas le temps. Trop puissant, trop rapide, trop juste, il breake son adversaire dès son deuxième jeu de service. Puis double breake dix minutes plus tard. 6-2 en 30 minutes et l’impression de voir un pro s’amuser avec un joueur du dimanche.
Baroud d’honneur
Pas satisfait, ou simplement pressé d’aller à la douche, celui qui vient de fêter ses 20 ans accélère encore dans la deuxième manche. Un break blanc d’entrée. Puis une démonstration sur le reste de la manche, bien aidé par un Tsitsipas qui envoie plus souvent ses revers en tribunes que dans le court. Comme un symbole, le Grec finit sur une double faute. 6-1 en 35 minutes, pause comprise. Alcaraz maintient la cadence.
On croit le troisième set parti sur les mêmes bases. «Carlitos» déroule sur son service et Tsitsipas perd le sien d’entrée. Mais à trois jeux à rien pour l’Espagnol - huit jeux consécutifs remportés à cheval sur les deux manches - Tsitsipas marque enfin, sous une ovation du public qui s’imaginait déjà dans le métro dix minutes plus tard. Le Grec débreake même et s’offre un tie-break. L’embellie permet d’éviter l’humiliation mais ne suffit pas à retourner la situation. Alcaraz l’emporte 7-6, après avoir passé moitié moins de temps sur le court aujourd’hui que Novak Djokovic dans son duel à distance.
Avis à l’organisation : l’année prochaine, si vous programmez le prodige espagnol en night session, essayez les matchs en cinq sets gagnants. Ou bien opposez-lui une paire de double, histoire que le suspense dure un peu.
Mis à jour : à 22 h 54 avec le résultat de Carlos Alcaraz.