Un cycle, presque une ère, du tennis féminin va s’achever. Elle avait démarré il y a vingt-sept ans, quand Serena Williams a foulé pour la première fois un court de tennis en tant que joueuse professionnelle, elle avait 14 ans. L’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem a annoncé en une du magazine Vogue et sur Instagram que «le compte à rebours est enclenché» pour sa retraite : «Il y a un temps dans la vie où il faut décider de prendre une nouvelle route. C’est un moment toujours difficile quand on aime tellement ce qu’on fait. Et Dieu que j’aime le tennis.» Elle dit vouloir «se concentrer sur son rôle de maman, ses objectifs sur le plan spirituel pour découvrir une nouvelle mais tout aussi passionnante Serena».
Dans le tennis contemporain, on ne désigne que trois cracks par leur simple prénom : Roger (Federer), Rafa (Nadal) et Serena (Williams). On pourrait aussi dire, sans faire offense à sa sœur Venus, «la Williams» comme on disait la Callas. Si elle ne précise pas quel sera son dernier tournoi, le rideau va très vraisemblablement tomber sur son immense carrière sur un court de l’US Open (29 août-11 septembre). Sans doute sur une ultime défaite car on l’imagine mal remporter à New York un 24e titre du Grand Chelem, ce qui en ferait la codétentrice du record avec Margaret Court. Cette dernière ayant gagné plus de la moitié de ses titres avant le début de l’ère Open quand le tennis de compétition était réservé à des amateurs fortunés, on peut s’avancer : Serena Williams est la plus grande joueuse de l’histoire.
«J’aimerais que ce soit facile, mais ça ne l’est pas»
Si tennistiquement Serena Williams est loin de sa gloire (elle a remporté lundi à Toronto son premier match depuis 430 jours), son charisme n’est pas entamé. Le retentissement de son annonce le prouvera. «Je suis déchirée : je ne veux pas que ça se termine, et en même temps je suis prête pour la suite. C’est la fin d’une histoire qui a démarré à Compton [un quartier de Los Angeles, ndlr], en Californie, avec une petite fille noire qui voulait simplement jouer au tennis», dit-elle à Vogue. «Il n’y a aucun bonheur pour moi là-dedans, poursuit-elle. C’est une grande douleur. C’est la chose la plus difficile que je pouvais imaginer. Je déteste ça. Je déteste être à la croisée des chemins. J’aimerais que ce soit facile, mais ça ne l’est pas. Ce sport m’a tant donné. J’adore gagner. J’adore me battre. J’adore faire le spectacle […]. Quand j’en parle [de la fin de sa carrière], je pleure […]. Mais aujourd’hui, si je dois choisir entre construire mon CV tennis et construire ma famille, je choisis ma famille [elle au une petite fille, Alexis, née le 1er septembre 2017].»
Bioppic
On imagine le casse-tête des organisateurs de l’US Open. Comment ne pas programmer systématiquement les matchs de Serena Williams à l’US Open, sur le court Arthur Ashe – du nom du premier champion noir de l’histoire du tennis, ce qui serait hautement symbolique – le premier au monde en termes de capacité (plus de 25 000 personnes), lors d’une de ces sessions nocturnes qui incendient le tournoi du New-Yorkais. Quel que soit le terrain sur lequel elle frappera sa dernière balle, les spectateurs seront, comme elle, noyés par l’émotion. Mais plus tard, ils pourront dire : «J’y étais.»