Novak Djokovic s’effondre, les bras en croix, sur le gazon de Wimbledon, sous les ovations du public. Au tableau d’affichage, sa victoire est inscrite 6-7 6-4 6-4 6-3 en 3h23. Accroupi sur le court après avoir donné l’accolade à Matteo Berrettini, le numéro 1 mondial porte un brin d’herbe à sa bouche. Il a le goût de l’histoire puisque le Serbe vient de s’offrir un 20e titre majeur, rejoignant ses rivaux historiques Roger Federer et Rafael Nadal, et la possibilité de réaliser en fin d’année, à l’US Open, le Grand Chelem.
Vingt titres en Grand Chelem, une aberration qu’ils sont désormais trois à se partager. Mais le Suisse, bientôt 40 ans et tristement sorti de son jardin londonien dès les quarts de finale en trois sets secs, dont un 6-0 final, semble désormais hors de la course. Quant à l’Espagnol, usé par sa défaite dans une demi-finale d’anthologie à Roland-Garros face à Djokovic, il a fait l’impasse sur la saison sur gazon. A 35 ans, dont presque autant à soumettre son corps à des charges de travail phénoménales, il axe sa reprise fin août en vue de l’US Open.
Cadence infernale
Les trois hommes sont en train d’écrire un chapitre historique du tennis, mais le Serbe imprime désormais les paragraphes à une cadence infernale. Depuis 2011, année de sa deuxième victoire en Grand Chelem après un titre inaugural trois ans plus tôt en Australie, il a croqué 19 titres en majeur contre onze pour Nadal et quatre pour Federer. En 2015-2016, il a réussi le «Djoko Slam», soit le Grand Chelem à cheval sur deux saisons. Mais le Grand Chelem calendaire, c’est une autre histoire. L’Australien Rod Laver est le dernier à l’avoir réussi, en 1969. L’Allemande Steffi Graf y est parvenue, en 1988.
En début de semaine dans L’Equipe, Mats Wilander voyait déjà Djokovic réussir un Grand Chelem doré, soit les quatre tournois majeurs plus un titre olympique à Tokyo (ce que Graf avait réussi en 1988). «Est-ce que ça me surprendrait qu’il le réalise ? Bien sûr que non ? C’est l’inverse, je serai davantage surpris s’il n’y parvient pas cette année», écrivait l’ex-numéro 1 mondial suédois.
Mise en jambes laborieuse
Mais pour cela, il fallait remporter ce tournoi de Wimbledon, le sixième de sa carrière, face au puissant Matteo Berrettini, numéro 9 mondial et chef de file d’un tennis italien en plein renouveau. Sous le soleil londonien, la mise en jambes de Djokovic, premier à servir, est laborieuse. Une balle de break à écarter dès son premier jeu de service, une fébrilité qui le poursuit dans le deuxième avec une nouvelle double faute, la troisième déjà. Mais le numéro 1 mondial, qui dispute sa trentième finale en Grand Chelem quand Berrettini avance, lui, en terre inconnue, est le premier à prendre le service adverse et à confirmer son break sur un jeu blanc, en patron (4-1).
A 5-2, Djokovic va même se procurer une balle de set sur le service de son adversaire mais ne peut la concrétiser et Berrettini, qui hausse son niveau de jeu, conserve son engagement au terme d’un jeu interminable que le colosse de Rome (1m96, 90 kg) conclut au filet. A grands coups droits, il refait son retard au jeu de service suivant (5-4).
La première manche se règle au tie-break et, petite sensation sur le Centre Court, après une heure dix d’un match serré et tendu, c’est le numéro 9 mondial qui vire en tête (7-4), lui qui semblait sur le point de craquer six jeux plus tôt. Djokovic n’avait plus perdu le moindre set de la quinzaine depuis l’entame de son premier tour face à Jack Draper. A Roland-Garros déjà, où les deux hommes s’étaient croisés en quart de finale, Berrettini lui avait pris un set, le troisième. L’interruption de la partie pour permettre l’évacuation des spectateurs, couvre-feu oblige, l’avait déstabilisé et, de retour sur le court, il n’avait pu enrayer la marche triomphale du Serbe vers le titre.
Mais à 25 ans, pour sa première finale dans un tournoi du Grand Chelem, le premier Italien à avoir atteint l’ultime marche du tournoi anglais depuis sa création, en 1877, défend crânement sa chance et son envie de succéder à Adriano Panatta, seul joueur transalpin à avoir remporté un Majeur, en 1976 sur la terre battue de Roland-Garros.
Récent vainqueur du Queen’s, Berrettini, qui restait avant cette finale sur onze victoires d’affilée sur gazon, confirme que son jeu en puissance peut perturber le Serbe. Servant régulièrement à plus de 220 km/h, «il grande Matteo» aura claqué 16 aces et 57 coups gagnants sur cette finale mais 47 fautes directes aussi quand son adversaire finit à 31 coups gagnants mais 21 fautes directes seulement.
The moment @DjokerNole became #Wimbledon champion for the sixth time pic.twitter.com/5xN8ogWYYT
— Wimbledon (@Wimbledon) July 11, 2021
Djokovic à l’expérience, Berrettini en résistance
Comme vexé, Nole, qui avait jusque-là traversé le tournoi en toute quiétude, attaque le deuxième set pied au plancher. Il prend le large et mène 4-0 puis 5-2 service à suivre. Mais dans le huitième jeu, celui qui doit lui permettre d’égaliser à une manche partout, il lâche un de ses deux breaks d’avance sur une amortie que l’Italien a parfaitement anticipée. Mené 0-40, soit trois balles de set contre lui, sur le jeu suivant, Berrettini aligne cinq points d’affilée et contraint Djokovic à servir encore une fois s’il veut conclure le set (5-4). Le répit est de courte durée : le numéro 1 mondial remporte son engagement sur un jeu blanc et, en 43 minutes, s’adjuge, poing serré, la deuxième manche.
Après deux jeux blancs de part et d’autre du filet pour entamer le set 3, Djokovic est le premier à faire le break qu’il confirme dans la difficulté sur un service gagnant. Dans cette finale décidément indécise, l’Italien est tout proche de revenir deux jeux plus tard, avec deux balles de débreak que le Serbe écarte. Le danger est passé. On joue depuis 2h40 sur le Centre Court, et Djokovic prend les commandes et, tout à ses rêves de Grand Chelem, ne les lâchera plus.
Le quatrième set est d’abord à l’avantage des serveurs, mais dans le septième jeu, Berrettini craque et offre le break sur une double-faute. Djokovic n’en attendait pas tant. A 5-3 en sa faveur, il obtient trois balles de match sur le service de l’Italien Berrettini, sauve la première sur une volée de coup droit, la deuxième sur un coup droit gagnant. Mais la troisième est de trop. Au terme d’un long échange dans la diagonale, un revers de l’Italien se perd dans le bas du filet. Djokovic peut s’effondrer sur le Centre Court.