La soirée avait commencé par le cul de Mike Tyson en «mondovision», expression maintes fois répétée par Netflix et ses 285 millions de viewers potentiels pour vendre son combat, ce qui annonçait, il faut le dire, rien de bon. Si la veille, c’est la mère de Jake Paul qui souhaitait régler son compte à cette «putain de petite garce» de Tyson, cette fois c’est le fils d’Iron Mike, micro de Netflix dans les mains, qui interroge son père sur le «manque de respect» de Jake Paul. Avant que le père, réponse expédiée, ne dévoile en se retournant et l’air de rien ce postérieur ridé d’ancienne terreur de 58 ans. Bref, si le message n’avait pas encore été compris, il était désormais limpide.
Tête à claque préférée de l’Amérique
Dans le creux de la nuit du vendredi 15 au samedi 16 novembre, l’influenceur mascu aux millions d’abonnés Jake Paul, dit «The Problem Child» («l’enfant à problèmes»), et l’icône des rings se sont livrés à un combat parodique à Arlington, au Texas, dans une arène gonflée à 72 000 spectateurs. Prévu le 20 juillet, le combat avait dû être reporté, après une violente crise d’ulcère de Tyson en avion. C’est le premier combat pro depuis 2005 pour la légende, face à la tête à claque préférée de l’Amérique, qui a débarqué dans le monde de la boxe voilà quatre ans après une carrière à éculer les mauvaises blagues sur Vine et YouTube.
Paul, né en 1997, débarque sous les sifflets de la salle dans une Bentley décapotable tunée à langues de feu. Dans la low rider, à son côté, son grand dadais de frangin Logan. Dans le coffre, une cage à pigeon, référence à la passion de son adversaire du soir, et In the Air Tonight de Phil Collins en décor sonore, clin d’œil à la performance vocale de Tyson dans Very Bad Trip.
Pour Tyson, drapé dans une serviette noire déchirée, l’effet inverse aurait pu marcher s’il n’avait pas failli se prendre les pieds dans le tapis. Et alors, on voit son visage sillonné de rides, ce tatouage devenu lavasse qui lui barre la face, cette genouillère qui lui ceint la jambe gauche. Il a l’âge que lui prêtent ses exploits passés, images pixellisées de ses prime d’antan sur ABC diffusées sur les écrans géants de la salle.
Pouet inoffensif
Premier round : le grondé, celui qui compressait l’air après le dring de la cloche, a disparu, mais il reste ce balancement du buste qui ravive des heures oubliées, ce regard d’homme capable d’homicide dans la seconde. Mais c’est comme faire un saut dans le grenier : déballer le premier carton de souvenirs, ça fait plaisir, puis la nuée de poussière prend à la gorge. Deuxième round et la soirée est pliée. Tyson combat l’amble. Dans le temps, avant les années d’excès en tout genre, de dépression, de coke, c’était Mach 1. Mouvement du tronc à droite, à gauche, boum, crochet à scinder l’homme de son ombre. Là, l’étincelle, celle qui partait du bout de ses orteils et dans un même élan de tout le corps déflagrait dans ses gants, produit un pouet inoffensif. Il jette des coups qui échouent à un mètre de leur cible. Avant le combat, les commentateurs français demandaient : «On se l’est tous demandé un jour : ça fait quoi de se prendre une patate de Mike Tyson ?» A la fin, seulement 18 coups ont atterri sur son adversaire, contre 78 pour Paul.
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En face, dans son short argenté et chaussures équivalentes, une tenue évaluée soi-disant à 380 carats et 1 million de dollars, le blondinet maîtrise. Dans la troisième reprise, il envoie trois gauches qui font vaciller Tyson. A la fin du round, pourtant chronométré à deux minutes (et non trois, comme d’ordinaire) ce dernier souffle comme un bœuf, cardio parti à la dérive. Paul pourrait l’achever mais il retient ses coups comme sa puissance. La fin du combat est à l’avenant : Tyson a les jambes qui flageolent.
Cette image, au terme de l’opposition, Jake Paul joignant les gants et baissant une tête respectueuse, tandis que Tyson tend sa pogne pour lui serrer la main. Il restait alors dix secondes sur le chronomètre mais sûrement était-ce dix secondes de trop pour cette comédie entre deux hommes que trente-et-un ans séparaient. «Je suis heureux, je n’ai rien à prouver à personne d’autre qu’à moi-même, j’ai été heureux de ce que j’ai pu faire», a balancé Tyson après sa défaite, 7 rounds à 1. «C’est un tel honneur, Mike Tyson est une légende, le plus grand de l’histoire, il m’a inspiré. C’était très dur comme attendu», a dit l’autre. Les deux toucheront une bourse d’au moins 20 millions de dollars chacun, selon les dires. Une soirée à gros sous, où le coup le plus cinglant porté réside ici : Mike Tyson, «l’homme le plus dangereux au monde», est devenu un sparring de l’influenceur benêt Jake Paul.