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Libération
Sur leur 31

Vendée Globe : un réveillon entre plats lyophilisés, première douche et appel à la famille

Les premiers marins du Vendée Globe ont franchi le Cap Horn, première délivrance avant l’interminable remontée de l’Atlantique vers les Sables-d’Olonne. Au 50e jour de mer, entre le premier et le dernier, la flotte s’étire sur 7 570 milles, soit 14 000 kilomètres.
Le skippeur Charlie Dalin est photographié au passage du Cap Horn lors de la course à la voile du Vendée Globe, le 24 décembre 2024. (Vendée Globe)
publié le 31 décembre 2024 à 20h29

L’océan Pacifique n’a jamais aussi mal porté son nom. Il est interminable, violent, épuisant, tant pour les marins que les bateaux. «C’est bien simple, raconte Sébastien Marsset (Foussier), au milieu du peloton. Je n’ai pas beaucoup de temps pour moi : ça fait longtemps que je n’ai pas pu prendre mon livre ou faire une grille de mots fléchés.» Les dépressions se succèdent. Le temps est gris, les vagues de plusieurs étages déferlent. Seuls les albatros qui planent semblent jubiler. Il y a plusieurs courses en une. Quand Charlie Dalin (Macif Prévoyance Santé) et Yoann Richomme (Arkea Paprec) caracolent en tête au large du Brésil, n’étant séparés que de 20 milles après cinquante jours de mer (37 km), 25 concurrents sur 35 n’ont pas encore franchi le fameux Cap Horn, bravent mauvais temps et froid, rêvant d’une mer enfin assagie et d’un soleil bienveillant.

Dans un message vidéo justement enregistré au passage du «cap dur», Yannick Bestaven (Maître Coq V) a annoncé lundi 30 décembre qu’il faisait escale à Ushuaïa. Hirsute et barbu, allure de vagabond, le tenant du titre en proie à une avalanche d’ennuis techniques genre loi de Murphy, ne pouvait pas continuer ainsi. Lors de la dernière édition, il avait franchi le Cap Horn en tête sans même l’apercevoir. Maigre consolation, il a pu cette année le voir pour de vrai, et s’apprête à réveillonner sur le plancher des vaches de la Terre de Feu avec son équipe technique, avant de tenter de réparer pour repartir vers la Vendée, en solitaire mais hors course.

Les quatre saisons en trois mois

Solide troisième au large de l’Amérique du Sud, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) s’exclame sans filtre et avec banalité : «J’ai pu prendre une douche après plus d’un mois, ça fait un bien fou. C’est incroyable la vitesse à laquelle les choses ont changé, en deux jours… Déjà, la nuit dernière j’ai eu chaud, alors que celle d’avant il faisait encore froid. Tout a changé hyper vite, c’est impressionnant !» Les marins du Vendée Globe reconnaissent volontiers qu’ils traversent les quatre saisons en moins de trois mois.

Pour ce réveillon de la Saint-Sylvestre, ces hommes et ces femmes hyperconnectés, et qui peuvent appeler au bureau ou à la maison, ne vont pas se gêner. Dire qu’il y a trente-cinq ans, lors du premier Vendée Globe, les communications satellitaires n’existaient pas, et le seul moyen de communication de la mer à la terre passait par Saint-Lys, la station de radio maritime en ondes décamétriques. Quand on parvenait à joindre son correspondant, non seulement le son était bien souvent épouvantable, mais tous les navires en ligne et qui attendaient que la station veuille bien établir la connexion, pouvaient entendre les conversations. Un autre temps.

Mets sympathiques

Libé a appelé Yoann Richomme ce dernier jour de l’année. Le temps était orageux, la mer calme, le marin serein comme s’il était en croisière. «Eh bien, ça va pas mal. On mène notre petite vie dans l’Atlantique. Je suis torse nu et en maillot de bain. Au large de Rio, c’est un peu comme le pot au noir. Le vent ne cesse de bouger. C’est délicat. On a un peu mal à la tête et aux yeux. Mon bateau va bien. Je bricole un peu sur les cordages usés, mais j’ai toutes mes voiles et appendices [safrans et foils, ndlr]. Je touche du bois… Charlie [Dalin], Seb [Simon] et moi avons eu des conditions météo favorables dès l’Atlantique sud, contrairement aux autres, ce qui nous a permis de nous barrer dans l’Indien puis le Pacifique. J’attends quand même vraiment les alizés !» Les nouveaux cap-horniers remontent en Atlantique, quand la flotte en arrière a déjà réveillonné avec le décalage horaire, mets sympathiques bien que lyophilisés, plus quelques douceurs dont une petite bouteille de champagne.