Le volet financier du plus grand scandale d’abus sexuels de l’histoire du mouvement olympique américain s’est clos lundi. Et l’accord passé entre les victimes de Larry Nassar, USA Gymnastics, le Comité olympique et paralympique américain (USOPC) et leurs assureurs, confirmé lors d’une audience devant un tribunal fédéral des faillites à Indianapolis, a accouché d’une indemnisation financière (380 millions de dollars) parmi les plus importantes jamais accordées à des victimes d’agressions sexuelles.
Plus de 90 % d’entre elles (près de 300 victimes ont été maltraitées par Nassar, les autres l’ont été par des personnes affiliées à USA Gymnastics) avaient voté en faveur du règlement provisoire conclu en septembre. Cet accord prévoyait 425 millions de dollars de dommages-intérêts. Mais un versement modifié de 380 millions de dollars a été approuvé sous conditions par le tribunal.
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Il met un terme à une bataille juridique longue de cinq ans, amorcée avec le témoignage de Rachael Denhollander, la première femme à avoir accusé publiquement Nassar en 2016. Ce dernier, 58 ans, purge une peine de prison à vie après avoir été lourdement condamné en 2017 et 2018 pour des agressions sexuelles sur plus de 250 gymnastes, pour la plupart mineures, commises durant plus de deux décennies lorsqu’il travaillait pour USA Gymnastics, mais aussi dans une salle de sport du Michigan rattachée à USA Gymnastics, ainsi qu’à l’université d’Etat du Michigan, qui s’est déjà engagée en 2018 à régler la somme record de 500 millions de dollars après avoir conclu un accord de dédommagement avec plus de 300 victimes.
Les médaillées d’or olympiques Simone Biles, Aly Raisman et McKayla Maroney, ont témoigné lors d’une audition au Sénat en septembre. Elles ont non seulement décrit les abus subis, mais aussi reproché aux responsables de la Fédération américaine de gymnastique, de l’USOPC et de la police fédérale (FBI) leur inaction pour empêcher les agressions sexuelles commises par l’ex-médecin.
«Echec à protéger ces athlètes»
La Fédération américaine de gymnastique a déposé le bilan en 2018, noyée sous un très grand nombre d’actions en justice intentées par les victimes de Nassar. Selon le Wall Street Journal, l’accord de lundi a pu être conclu après que la compagnie d’assurance TIG a accepté de payer une «part substantielle» de l’indemnisation. L’accord comprend un paiement de 34 millions de dollars directement de la part de l’USOPC, ainsi qu’un prêt de 6 millions de dollars de l’USOPC à USA Gymnastics. La boss de l’USOPC, Sarah Hirshland, a en outre déclaré que l’organisation reconnaissait son rôle dans «l’échec à protéger ces athlètes, et nous sommes désolés pour le préjudice profond qu’ils ont subi».
«Cet accord historique met fin à un autre chapitre du scandale Larry Nassar. Les survivantes ont maintenant reçu un total de 880 millions de dollars en compensation de leur douleur et de leur souffrance aux mains de ce monstre, avec des institutions qui l’ont laissé faire, a synthétisé John C. Manly, avocat principal représentant les victimes. Il reste encore un chapitre à écrire, celui des poursuites pénales à l’encontre des agents du FBI qui n’ont pas enquêté et n’ont pas arrêté Nassar, ainsi que des membres de USA Gymnastics et de l’USOPC qui ont conspiré avec eux pour entraver l’enquête.»
Le dédommagement financier ne constitue qu’un pan de l’accord. Une série d’autres dispositions, axées sur la prévention et l’accompagnement psychologique des victimes, sont également prévues dans le cadre de l’accord. Parmi celles-ci, une victime de ces agressions sexuelles devra être nommée au conseil d’administration de la Fédération américaine de gymnastique, tandis qu’un examen approfondi de la culture et des pratiques au sein de USA Gymnastics doit être effectué à court terme.
«Il ne s’agit pas d’argent, mais de changement»
«Nous nous engageons à travailler avec [les victimes] et avec l’ensemble de la communauté de la gymnastique, pour nous assurer que nous continuons à donner la priorité à la sécurité, la santé et le bien-être de nos athlètes et de la communauté avant tout», a déclaré la présidente d’USA Gymnastics, Li Li Leung, dans un communiqué faisant suite à l’accord.
Rachael Denhollander, première femme à se manifester pour détailler les abus sexuels commis par Nassar, a déclaré que ces dispositions non financières constituaient un élément central du processus de médiation. «Il ne s’agit pas d’argent, mais de changement, a-t-elle déclaré lors d’un entretien téléphonique à Associated Press. Il s’agit d’une évaluation précise de ce qui n’a pas fonctionné afin que cela soit plus sûr pour la prochaine génération. […] Maintenant, le dur travail de réforme et de reconstruction peut commencer.»
This chapter is finally closed.
— Rachael Denhollander (@R_Denhollander) December 13, 2021
Now the hard work of reform and rebuilding can begin. Whether or not justice comes and change is made, depends on what happens next. https://t.co/611dOyACeP
Denhollander en a profité pour revenir sur ces cinq années, entre le moment où elle a contacté pour la première fois les journalistes du Indianapolis Star et lundi, les décrivant comme «un enfer». Et tacler la lenteur des autorités américaines : «Devoir pousser si longtemps pour que les bonnes choses se produisent, devoir pousser si longtemps pour que justice soit rendue… Cela n’aurait jamais dû prendre cinq ans.»