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Superficiel

Vosges : dans la station de ski de La Bresse, une polémique enfle autour d’un transport de neige en camion

La fin du skidossier
Le directeur de l’école de ski de La Bresse a transporté, pendant les vacances de Noël, 70 tonnes de neige pour réapprovisionner le domaine. Une entreprise farfelue mais légale, dénoncée par des associations environnementales.
La Bresse, le 29 décembre 2022. (Pascal Bastien/Libération)
publié le 15 février 2024 à 12h14

Une histoire rocambolesque mais révélatrice de l’état critique des stations de ski françaises. Face au manque criant d’enneigement, le directeur de l’école de ski de La Bresse, dans les Vosges, a reconnu mercredi 14 février avoir transporté de sa propre initiative, en camion, «70 tonnes» de neige vers la station. L’idée était de réapprovisionner le jardin d’enfants de la station. Une manière selon l’intéressé Eric Flieller, de «sauver des emplois» et «maintenir l’économie d’une région».

Depuis plusieurs années, les stations de ski font face à un déficit de neige grandissant, qui va de pair avec le réchauffement climatique causé par l’homme. Canons à neige, lacs artificiels… Les stations redoublent d’effort pour maintenir à flot leur économie ultra-menacée et un sport élitiste dont l’avenir est plus qu’incertain. Eric Flieller, lui, n’a rien trouvé de mieux à faire que de prélever de la neige depuis un sommet situé à quelques kilomètres de la station. Il raconte avoir amené dans un camion conduit par un moniteur de l’école de ski titulaire du permis poids lourd «70 tonnes» de neige, ce qui «représente 50 mètres carrés sur 50 centimètres d’épaisseur, c’est dérisoire». Si le transport de neige par camion n’est pas illégal, il interroge sur son caractère superficiel.

«Hold-up de neige»

Des associations environnementales, notamment les locales Alsace Nature et Lorraine Nature Environnement, avaient fustigé en fin de semaine dernière ce transport de neige. Selon elles, il avait eu lieu fin décembre, alors que la station de ski de La Bresse était la seule du Massif des Vosges à être ouverte, faute d’un enneigement suffisant. Une cargaison qui constitue, selon elles, «un hold-up de neige», et traduit une course à l’artificialisation des stations de ski sans issue face au réchauffement climatique.

Les associations avaient notamment mis en avant des captures d’écran de la webcam de la station montrant qu’une piste ne contenait que peu de neige le 25 décembre en fin de journée, puis beaucoup plus dans la nuit du 26 décembre. Elle était damée en tout début de journée et utilisée comme piste de luge. De son côté, le directeur de l’école de ski assure que le transport a eu lieu «le 6 janvier» et dénonce une «polémique ridicule» et «qui n’a pas lieu d’être». «Je suis vraiment désolé, je ne pensais pas avoir fait quelque chose» qui prendrait «une telle proportion», a-t-il ajouté, se disant «estomaqué» par l’ampleur de la polémique.

«Ça a sauvé la fin de saison des vacances de Noël» en permettant de terminer au jardin d’enfants «les cours pour les tout-petits» et le «ski scolaire», selon ses prémonitions. Cela aurait ainsi sauvé «des emplois dans tout le bassin vosgien», a-t-il insisté, expliquant avoir décidé ce transport pour que «tout le monde s’en sorte : les touristes et les gens qui vivent de ça». «Si ça, c’est un crime…», tente-t-il de prendre par les sentiments. Pour rappel, au rythme actuel de réchauffement climatique, 91 % des stations de ski européennes sont menacées.

Citée par le quotidien Vosges Matin, la maire de La Bresse a refusé d’accabler l’école de ski de la station, dont le domaine skiable s’étend de 900 m à 1 350 m d’altitude, trop basse pour espérer survivre à long terme. Elle a ainsi rappelé que le transport de neige sur les pistes est une pratique répandue dans les stations, «pour faire des pansements». Cette histoire est peut-être le moment idéal pour remettre en question ce modèle du tout ski, dans un contexte où sa viabilité n’est plus assurée.