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Libération

Au Kirghizistan, le cancer sur les ruines du nucléaire.

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par Gérard DIEZ
publié le 30 décembre 2003 à 2h30

Kirghizistan correspondance

Sur l'étroite route poussiéreuse qui longe le lit de la rivière, la voiture quitte l'usine d'uranium. Dix kilomètres plus bas, elle atteindra la ville de Maili Suu, coincée entre la montagne et le lit de la rivière du même nom, à 150 km au nord de la deuxième plus grande ville du Kirghizistan, Och. Là-bas, la température est de 21 °C. Ici, il fait 29 °C, une chaleur dégagée par les deux millions de tonnes de déchets d'uranium et les 940 000 m3 de roche radioactive provenant du gisement tout proche. Des puits de la mine s'échappe une odeur désagréable : du radon, un gaz radioactif et cancérigène lié à la décomposition de l'uranium. Sa concentration dans les maisons du voisinage est plus de vingt fois supérieure à la norme tolérée.

Monstre de béton et d'acier échoué sur l'étroite bande de terre glaise et de rochers au bord de la rivière, l'usine à l'abandon produisait, à l'époque soviétique, de l'uranium enrichi pour bombe nucléaire. La matière première était extraite alentour mais elle arrivait aussi d'ex-RDA et de Tchécoslovaquie. L'usine a fonctionné de 1946 à 1968. Maili Suu, 26 000 habitants, était alors une ville interdite. Vingt-trois dépôts d'uranium et treize crassiers ont été identifiés, tous proches des berges de la rivière, en raison des versants abrupts de la montagne. La nature des dépôts est alors très floue. Les déclarations n'ont été expédiées à Moscou qu'après la fermeture de l'usine et les Russes ont refusé de les retourner aux auto