Les manchots sont des oiseaux formidables, ils ne volent pas, ils nagent. Ils mangent mais ne digèrent pas, transformant leur estomac en garde-manger pour nourrir le nouvea-né. Ils ignorent le sexisme : le mâle couve les oeufs aussi bien que la femelle. Ils font le bonheur des scientifiques qui se régalent à les étudier, très loin, sur l'île de la Possession dans l'archipel de Crozet, en Antarctique. Là-bas, une équipe du CNRS de Strasbourg vient de découvrir que le manchot royal sécrète une substance antimicrobienne, qui aide à la conservation des aliments dans leur estomac sur plusieurs semaines.
Poissons lanternes. D'El Niño à l'estomac du manchot, l'équipe d'Yvon Le Maho, directeur du centre d'écologie et de physiologie énergétique a accompli, en dix ans, un bon bout de chemin. Au départ, elle étudiait les impacts des changements climatiques sur les manchots royaux. Chez ces oiseaux en effet, la femelle pond puis part se ravitailler en mer. Le mâle couve l'oeuf puis part à son tour se nourrir et revient pour assurer les deux à trois dernières semaines d'incubation (elle dure 54 jours au total). Les manchots partent 15 à 20 jours, car ils doivent parcourir environ 400 km pour trouver de quoi manger, se rendre au niveau du front polaire (zone de rencontre entre les eaux subantarctiques et les eaux polaires plus froides) : là vivent en abondance les poissons lanternes dont ils se nourrissent. Mais avec El Niño, le front polaire se déplace certaines années vers le sud (comme