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Libération

La lèpre encore taboue

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publié le 24 janvier 2004 à 22h17

Mauritanie envoyée spéciale

Elle tend son bras. Soulève le pan de tissu coloré. Entre le coude et l'épaule, une toute petite auréole dépigmentée. Quelques millimètres de diamètre, insensibles au toucher. Cela fait environ deux mois que la tache a fait son apparition. Majouba, 42 ans, femme d'un gendarme du bourg, apprend le diagnostic en ce chaud matin de janvier, dans la petite salle du centre de santé de Rosso, à 200 kilomètres de Nouakchott, au sud de la Mauritanie. C'est la lèpre. Dépistée très tôt, sa maladie sera guérie après six mois de traitement gratuit d'antibiotiques (polychimiothérapie ou PCT). D'autres ont eu moins de chance. Sous les pales d'un ventilateur, Khoudar, 62 ans, soignée il y a cinq ans, montre une main amputée de son pouce et des doigts atrophiés. Un peu plus à l'est, la rumeur s'est propagée dans un village : la lèpre s'est abattue sur toute une famille. Plus personne ne va les voir, et certains parlent de les brûler pour éviter la contagion.

Déficit de formation. «La lèpre reste encore cachée derrière les tabous, les superstitions et l'ignorance», reconnaît Mohamed Yarba Ould Meimine, coordinateur du programme de la lutte contre la tuberculose et la lèpre, au ministère de la Santé et des Affaires sociales. Trente ans après le lancement du programme, la maladie ne disparaît pas. En 2003, 1 300 lépreux étaient en traitement et plus de 100 nouveaux cas auraient été dépistés ; mais tout le monde s'accorde à dire que les chiffres officiels sont en dessou