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Libération
Interview

«Un intrus, symbole de la sauvagerie»

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publié le 12 février 2004 à 22h56

En 2000 et 2001, deux enseignants-chercheurs, Patrick Degeorges et Antoine Nochy, se sont rendus dans le parc de Yellowstone, aux Etats-Unis, pour y étudier les pratiques de protection du loup et les réactions des habitants du parc. Selon eux, la façon de gérer la question du loup, en France comme ailleurs, interroge la souveraineté de l'Etat. Le loup est, de fait, une question politique. Entretien avec Patrick Degeorges.

Pourquoi le loup préoccupe autant la sphère politique ?

Le loup mobilise un rapport identitaire aux territoires. Mais il est empêtré dans un vieux bestiaire qui le symbolise comme un intrus, l'ennemi, un symbole de la sauvagerie. Il menace la sécurité, l'ordre social. Dans les dérives du langage, on parle du loup comme d'un délinquant. Il met en jeu la question de la protection des biens et des personnes, que l'Etat doit assurer. On pourrait d'ailleurs écrire une histoire de la souveraineté de l'Etat à travers sa gestion du loup, comme cela a déjà été fait pour les arbres. En fait, le loup cristallise des enjeux de société qui le dépassent complètement. Nous avons cherché à démonter les oppositions qui se sont créées sur son dos.

Comment est-on passé d'une éradication du loup au XXe siècle à sa protection totale aujourd'hui ?

Le loup a toujours eu, en France, mauvaise réputation. Après la Révolution, l'extermination du loup était perçue comme un symbole de progrès. Il fallait éradiquer cet animal malveillant, qui détruisait les troupeaux et était un vecteur pos