Professeur d'économie à l'université catholique de Louvain, ex-conseiller à la Commission européenne, Riccardo Petrella est fondateur du Comité international pour le Contrat mondial de l'eau, qui milite pour que l'eau soit considérée comme un bien public mondial.
Pourquoi parlez-vous de «pétrolisation» de l'eau ?
Parce que considérer l'eau comme de l'or bleu, comme on parle d'or noir lorsqu'on évoque le pétrole, est une mystification qui sert à légitimer tout un discours. On nous explique que l'eau est rare, et qu'elle sera nécessairement rare. Mais c'est faux. Primo, il est sans doute vrai que nos modes de vie et de production font que nous sommes en train de raréfier l'eau. Mais il existe encore de l'eau en quantité suffisante pour 20 milliards de personnes, alors que nous sommes un peu plus de 6 milliards. En outre, personne ne sait si, dans dix ans, l'eau pourra être considérée comme un bien rare. Car d'ici là on peut réduire les prélèvements actuels, en agriculture et en industrie par exemple. Ce discours légitime le discours du tout-privé, celui qui consiste à dire que, si l'eau a un prix, elle sera consommée avec parcimonie. Mais, et malgré la vague de privatisation des services de l'eau un peu partout dans le monde, le nombre de personnes qui vit en situation de stress hydrique n'a pas vraiment diminué.
Est-ce la faillite du modèle français de gestion de l'eau qui s'est appliqué un peu partout à travers le monde, à savoir une gestion de l'eau déléguée à des entreprises