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Libération

Au Nunavut, des poisons sur le gril

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publié le 17 mai 2004 à 0h39

Iqaluit (Nunavut) envoyée spéciale

La fin des «douze salopards» est proche. Aujourd'hui, grâce à la ratification de la France ­ cinquantième signataire en février ­, la convention de Stockholm de 2001 entre en application. Elle doit interdire (ou sévèrement restreindre) l'emploi de douze polluants organiques persistants (POP) : produits chimiques industriels ­ dont les polychlorobiphényles (PCB), pesticides et contaminants (dioxines, etc.). Quasi indestructibles et portées par les vents et les courants marins, ces substances toxiques se propagent sur des milliers de kilomètres. Selon les signataires de la convention, elles menacent «l'écosystème arctique et les populations autochtones qui y vivent». Non seulement le froid polaire en ralentit l'évaporation, mais les molécules se fixent dans les organismes vivants ­ et les animaux, source d'alimentation privilégiée des Inuits. Via la chaîne alimentaire, les POP aux effets redoutables (cancers, baisse de fertilité, déficiences du système nerveux et immunitaire...) sont accusés d'empoisonner les habitants du Grand Nord.

De fait, 73 % des femmes inuit auraient un taux de PCB dans le sang cinq fois supérieur à la norme canadienne ; chez la moitié des Inuits, ce taux serait jusqu'à vingt fois plus élevé que dans la population du Sud canadien ; leur concentration dans le lait maternel, jusqu'à neuf fois plus importante. «Quand on a découvert que notre nourriture traditionnelle était empoisonnée, on était scandalisés, se rappelle Sheil