Province du Henan, envoyé spécial.
Jiang Guilan, paysanne chinoise infectée par le virus HIV en vendant son sang, a cru retrouver l'espoir lorsque le gouvernement a commencé à distribuer gratuitement des médicaments antirétroviraux (ARV) en février. Elle a vite déchanté : «Dès le premier jour, j'ai eu le visage gonflé comme s'il allait éclater, et des boutons sur tout le corps. J'ai tout de suite arrêté ce traitement.» A l'hôpital, on lui a dit qu'on ne pouvait rien pour elle, qu'il fallait qu'elle continue à prendre chaque jour ce «cocktail» fabriqué par un labo de Shanghai. Depuis, elle ne se soigne plus.
Comme elle, des milliers de paysans contaminés dans la province du Henan, au centre de la Chine, victimes d'un scandale resté impuni, ont vu l'espoir de soins gratuits apparaître, et s'évanouir aussitôt. Dans cette province au pouvoir particulièrement répressif, où les journalistes ne sont pas les bienvenus, Libération a pu rencontrer un grand nombre de patients séropositifs dont pas un n'est correctement traité. Il règne, au contraire, dans cette campagne sinistrée, un chaos médical indescriptible, contredisant tragiquement les effets d'annonce de Pékin qui ne manqueront pas d'être réaffirmés à la conférence de Bangkok.
Lorsque le gouvernement a annoncé en 2003 qu'il distribuerait gratuitement à sept mille paysans contaminés du Henan les ARV du laboratoire chinois Desano, les experts avaient été critiques : ce «cocktail» ne correspond pas à la combinaison recommandée par l'