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Interview

Michel Onfray : «On n'y va pas sans raisons existentielles»

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Eté. Lieux mythiques. Pôle Nord. Michel Onfray, philosophe, dissèque imaginaire et cercle polaire :
publié le 25 août 2004 à 1h53

Michel Onfray est philosophe. En 2002, il a publié Esthétique du pôle Nord. Stèles hyperboréennes (Grasset).

Que représente le pôle Nord dans l'imaginaire occidental ?

Pendant longtemps, une image d'Epinal, les vieux bons points de l'école laïque républicaine : un Esquimau emmitouflé dans une peau de bête, pagayant dans son kayak sur fond d'iceberg, avec un ours blanc dans le décor. Depuis l'ère de la vidéosphère, c'est devenu le lieu ultrablanc (comme on a pu parler d'ultramarine), le lieu de l'aventure ultime du marcheur solitaire avec son traîneau de survie et quelques chiens husky, jubilant de son masochisme dans un blizzard à moins 40 °C.

A-t-il une place dans la littérature ou la philosophie ?

Dans les récits d'aventure, et surtout dans la littérature d'exploration. L'ethnologue Jean Malaurie fournit tout un arsenal de réflexions qui, à ma connaissance, n'a jamais été utilisé en philosophie. Les Brésiliens de Montaigne, les Iroquois de La Hontan, les Océaniens de Diderot, les Guayakis de Pierre Clastres, les Nambikwaras de Lévi-Strauss ont largement produit leurs effets, mais aucun philosophe n'a substantiellement eu recours aux Inuits pour disserter sur ces peuples fossiles, leur religion chamanique, leur ontologie panthéiste, leur métaphysique écologique. Dommage, car les Inuits ont des leçons à donner aux civilisations postindustrielles : sur la nécessaire liaison entre l'homme et le cosmos, fondatrice de tout équilibre mental et spirituel, sur les conséquences désastreuses de la déliaison de la nature et des humains en marche vers leur avenir bestial, sur la possibilité d'un sacré