Carthagène (Espagne) envoyé spécial
«C'est New York au bord d'une lagune !» Du haut de son immeuble, Ana semble s'excuser du panorama. Sur une vingtaine de kilomètres, c'est une bande de terre (de 20 à 80 mètres de largeur) reliée au continent, en forme de harpe, où se succèdent des tours et des barres dignes d'une mégapole. Tout le long, une quatre-voies sépare les urbanisations qui donnent sur la Méditerranée et celles qui regardent El Mar Menor (la mer mineure). A l'horizon, ni square ni jardin public, juste du béton et de l'asphalte. Bienvenue à La Manga (littéralement, «la manche»), frange de terre qui délimite une des plus grandes lagunes d'Europe, près de Carthagène, connue en Espagne comme la Mecque du tourisme de masse.
La Manga compte 5 000 habitants hors saison, 30 fois plus l'été. Une monstruosité née sous le franquisme et dont le développement s'est accéléré depuis les années 90. Ana, la cinquantaine, y réside depuis dix ans. Elle dit être venue à l'écologie «sur le tard, par la force des choses». Côté nord, de sa terrasse, elle désigne du doigt une bonne dizaine de gratte-ciel. «Ils ont poussé ces trois dernières années, pas plus. La vie ici est devenue insupportable !» Vers le sud, elle montre le canal qui relie la lagune à la mer, quelques voiliers, des pêcheurs. «Tout cela est trompeur. Vous voyez ces barricades sur un kilomètre ? Elles délimitent le seul espace protégé de La Manga. Mais ça ne va pas durer, ils vont y construire un port de plaisance géant !»
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