Menu
Libération

«Il y a trente ans, le lac Tchad recouvrait cette île»

Article réservé aux abonnés
Les habitants des terres apparues avec l'évaporation de l'étendue d'eau s'opposent au projet de renflouement.
publié le 29 août 2005 à 3h26

Lac Tchad envoyée spéciale

«Dépêchez-vous ! La pluie arrive !» Autour de Mahamat, commerçant nigérian, les vendeurs de poisson s'agitent pour enfourner dans de grands sacs des morceaux brunâtres de carpes, silures et capitaines fumés aux insolents effluves halieutiques. Le ciel s'assombrit au-dessus de Kinasérom, une des îles les plus peuplées du lac Tchad (7 000 habitants), annonçant un orage long et violent, typique de la saison des pluies.

Ce mardi, c'est le jour du grand marché hebdomadaire. Les pirogues affluent en masse, débarquant de bruyants groupes de femmes aux pagnes multicolores. Les commerçants se sont déplacés de tous les pays voisins : Cameroun, Niger, Nigeria. L'arabe local, pratiqué au Tchad pour le commerce, cède ici la place à l'anglais ou au haoussa (langue du Nigeria). Sur l'île, tout tourne autour du poisson.

Spectaculaire. «Il y a trente ans, je ne pouvais pas rester sur cette île plus de trois mois car le lac la recouvrait le reste de l'année, explique Issa, vieux pêcheur de 82 ans, d'origine massa (ethnie du sud), un des pionniers de Kinasérom. C'est vers les années 90 que j'ai pu bâtir ma concession en terre, abandonner le secko (la paille, ndlr) et installer mes deux épouses avec mes quinze enfants.» Depuis quarante ans, le lac Tchad s'est évaporé de manière spectaculaire. De 25 000 km2 dans les années 60, il est passé à 5 000 km2, découvrant de nombreuses îles où se sont développées des activités qui font vivre des milliers d'habitants des quatre pay