«J'avais 7 ou 8 ans lorsque j'ai vu ramener mon premier esturgeon ici on dit créac entrant dans le port à la traîne d'un canot.» René Val, 86 ans, est un enfant de Saint-Seurin-d'Uzet. Dans l'entre-deux-guerres, cette petite commune au bord de l'estuaire de la Gironde, à 18 kilomètres au sud de Royan (Charente-Maritime), était surnommée la capitale du caviar. René Val a ainsi connu la période faste où l'on pêchait Acipenser sturio à tour de bras. Passionné par ce poisson figurant parmi les plus vieux de la planète (200 millions d'années !), il a amassé témoignages et documents sur cette grande époque, et aime à raconter la «véritable histoire du caviar de la Gironde» (1).
Tout aurait commencé avec une «princesse russe», dotée d'une ombrelle. Fuyant la révolution bolchevique, elle se serait réfugiée au bord de l'estuaire au lendemain de la Première Guerre mondiale. Or, à cette époque, l'esturgeon était recherché uniquement pour sa chair ; ses oeufs, eux, étaient jetés à la mer ou donnés aux canards ! La dame croisa donc un jour un pêcheur qui, après avoir éventré un créac d'un coup de couteau, se débarrassait de son contenu. «Malheureux, se serait-elle alors indignée, vous rejetez les oeufs de ce poisson, le meilleur et le plus cher, c'est un crime ! Monsieur, chez nous en Russie, on les recueille précieusement et on les conserve pour les vendre très cher sous le nom de caviar, c'est une merveille.» Et d'en livrer le secret de fabrication.
Tartines. Le pêcheur devint dès lo