Jacques Diouf est directeur général de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, en première ligne dans la lutte contre la grippe aviaire. Pour Libération, il revient sur l'histoire d'une crise sanitaire annoncée. Et très mal anticipée.
Les institutions ont-elles tardé à prendre les mesures qui s'imposaient face à la grippe aviaire ?
Ce sont surtout les Etats qui ont péché par manque d'anticipation et de solidarité. On est incapable de tirer les leçons du passé. La crise aviaire a vraiment commencé en décembre 2003. Dès février 2004, la FAO a injecté 5,5 millions de dollars sur ses fonds propres pour tenter d'aider la Thaïlande, le Vietnam et la Chine. Dans la foulée, on est aussi intervenu dans sept autres pays jusqu'aux Philippines pour tenter de circonscrire l'épizootie, avec l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale) et l'OMS (Organisation mondiale de la santé). Les résultats ont été assez probants puisque le développement du virus a, en grande partie, été enrayé. On a alors tenté d'alerter la communauté internationale. «Mettons le paquet maintenant pour circonscrire l'épidémie !» lui disait-on. A l'époque, on avait tous les atouts en main. On pouvait éliminer rapidement la volaille contaminée, discuter du choix de vacciner ou non, mettre en place des centres de référence, renforcer les services vétérinaires...
Et que s'est-il passé ?
Les pays développés ont pensé que cela se passait en Asie, que tout cela était très loin et qu