Depuis son départ de Lorient, le 11 juillet, l'expédition Tara Arctic a disparu dans la nuit de l'hiver polaire pour mener une campagne d'études scientifiques (1). Lorsqu'on parle de nuit polaire, on imagine aisément le silence, le sifflement du vent... Mais les membres d'équipage, partis pour six longs mois à bord de la goélette de 170 tonnes (Libération du 8 juillet), ont surtout été surpris par le vacarme. La violence des éléments est telle que le silence n'existe pas. Tout d'abord, la glace qui crisse contre la coque du bateau et qui glace le sang de ses occupants. Car la banquise vit sa vie. Des rivières s'ouvrent puis se referment à une vitesse folle, comme c'est arrivé il y a une dizaine de jours.
La rive opposée à celle où repose solidement Tara avançait alors vers le navire à 10 centimètres par seconde, créant d'énormes crêtes de compression, capables de soulever n'importe quel poids. Tara n'a pas été épargnée. Dans ses carnets de bord, Denys, le médecin, parle même d'un tremblement de glace qui a déplacé le bateau, qui gîte maintenant sur bâbord avec un angle de 9 degrés. Ce qui rend la vie à bord un peu plus pénible. «Malgré son poids, le bateau ne s'est toujours pas remis d'aplomb, regrette Grant Redvers, le chef d'expédition néo-zélandais. Cela fait trois semaines qu'il fait nuit et ces mouvements de glace nous empêchent de dormir, ça bouge tout le temps. On est en train de revivre ce que décrivait si bien le Norvégien Fridtj