Yaoundé (Cameroun) correspondance
Battu, déshabillé, attaché, «traîné comme du gibier» puis balancé «comme un sac de fèves de cacao» au fond d'une voiture. Le traitement «spécial pygmée» infligé à Alain par deux gardes-chasse qui l'accusaient de braconnage lui a coûté cher. Désormais, il est borgne et ne risque plus d'oublier que les peuples dits «pygmées», auxquels il appartient, peuvent être considérés comme des citoyens de seconde zone. Insultes, brimades quotidiennes, accès difficile, voire impossible, aux services de l'administration et de la justice : la marginalisation dont sont victimes les 30 000 membres (le chiffre exact n'est pas connu, faute de recensement) des communautés pygmées présentes dans le sud et l'est du Cameroun s'aggrave, dénonce l'anthropologue camerounais, Séverin Cécile Abega. «Un pygmée est voleur et menteur, il a ça dans le sang», n'hésite pas à affirmer devant la presse un jeune sous-préfet. «On nous prend pour des sous-hommes, on nous dit qu'un pygmée n'a pas de bouche, c'est-à-dire que sa parole ne compte pas», commentent, amers, les habitants du village de Ngoyang, dans le sud du pays.
A l'origine de cette dégradation rapide du statut des pygmées, il y a les politiques dites de «développement» mises en oeuvre depuis 1960 par l'Etat ou par la plupart des ONG, estime Séverin Cécile Abega. «Elles sont fondées sur trois choses : la sédentarisation, l'agriculture, l'école. Or, devenir agriculteurs, ça