Jacques Généreux est professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, et auteur de La Dissociété (ed. Seuil, 2008).
L’interventionnisme du gouvernement américain pour tenter d’endiguer le krach financier marque-t-il le retour de l’Etat ?
Il n’y a pas de retour de l’Etat parce qu’il n’a jamais reculé. Son poids n’a pas cessé d’augmenter aux Etats-Unis. Simplement, il a changé de nature. Ce n’est plus un Etat-providence qui redistribue, c’est un Etat privatisé, au service des marchés, des profits. Il n’a cessé de donner plus de liberté à la finance, aux entreprises. Quand celle-ci débouche sur la crise, il doit intervenir en urgence.
Mais jamais le gouvernement n’avait lâché autant d’argent pour sauver son économie…
Il n’a pas le choix. Il paie aujourd’hui le prix de son engagement au service de la dérégulation, de la déréglementation, du laisser-faire au service du capital. Ce n’est pas la finance qui est devenue folle, c’est l’Etat américain qui l’est. Il l’a laissé prospérer et elle risque de tout emporter ! Il joue l’Etat pompier, alors que c’est lui l’incendiaire.
Et c’est nouveau, ça ?
Non, les Etats-Unis sont depuis longtemps schizophrènes : très libéraux en microéconomie (entreprises, marchés) et très keynésiens en macroéconomie (politique économique). Depuis la rupture du contrat social hérité des Trente Glorieuses et l’avènement des idéologues du néolibéralisme, cette schizophrénie s’est aggravée.
C’est-à-dire ?
D'un côté, l'Etat fédéral se désengage de ses prérogatives sur le social, l'éducation, les retraites, engendrant une société plus dure et plus inégalitaire que jamais. Alors, de l'autre côté, pour éviter le désordre social, il est obligé de garantir la croissance et l'emploi par une forte i