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aître de conférence à l’université de Bordeaux, Edwin Le Héron est président de l’Association pour le développement des études keynésiennes.
Comment qualifier les virages économiques pris par Nicolas Sarkozy avec la crise ?
Le chef de l'Etat s'inspire du keynésianisme de synthèse hérité des années 70, et que défend aujourd'hui l'OFCE [Observatoire français des conjonctures économiques, ndlr], et son président, Jean-Paul Fitoussi. Et qui passe par une politique conjoncturelle de relance budgétaire. Il faut y ajouter aussi la tradition colbertiste et industrialiste de l'Etat cher à de Gaulle et que Sarkozy reprend. Le sarkozysme fin 2008, c'est une synthèse entre le Sarkozy libéral proche des grands patrons, et le Sarkozy interventionniste convaincu du rôle de l'Etat.
Une politique empirique, loin de Keynes qui estime que le capitalisme doit être encadrer structurellement ?
Une politique entre pragmatisme et opportunisme. «Il faut penser le tout», disait Keynes. Et le penser quand tout va bien. Or, Gordon Brown comme Nicolas Sarkozy interviennent à chaud, quand tout va mal. Cela soignera peut-être la crise, mais n'empêchera pas la suivante. L'économiste Hyman Minsky l'assurait : «La crise naît de la prospérité.» Et je doute que le sommet pour un nouveau Bretton Woods débouche sur quelque chose. En Europe, Brown et Sarkozy sont minoritaires, et les Etats-Unis n'ont pas envie de voir dissoudre leur pouvoir sur la monnaie ou le contrôle du FMI, via le Trésor américain.
D’un côté, Sarkozy fustige «le marché qui a toujours raison», de l’autre, il vante son paquet fiscal. Contradictoire ?
Oui, car son virage à 180 degrés dans le discours est démenti par les faits. Etre keynésien, c’est agir sur la répartition des revenus. Maintenir le paquet fiscal est une aberration