Nos onze tuyauteurs ont été recrutés en Bulgarie par petites annonces. Ils sont arrivés en août à Saint-Nazaire, sur le chantier de construction navale STX. Ils ne connaissaient pas STX, ce symbole de la multinationale qui a tendance à faire jouer la compétition entre salariés et à niveler les salaires par le bas. STX est l’héritier des Chantiers de l’Atlantique (Alstom) qui ont vu naître le paquebot France, ont été rachetés par le norvégien Aker Yards en 2006, avant d’être mangés par le coréen STX en 2008.
Avec un marché de la croisière dédié à des clients scandinaves ou américains, et des salariés des pays du Sud et de l’Est de l’Europe, la construction navale nage en pleine mondialisation. Et contourne le droit du travail français chaque fois qu’elle le peut. La mémoire du site naval a enregistré nombre de grèves des sous-payés des sous-traitants.
Ils ne savaient pas tout cela, ces tuyauteurs bulgares. Et pensaient bien gagner leur vie en comparaison du salaire minimum de 92 euros mensuels en vigueur dans leur pays, le plus bas d'Europe. Ils ont vite déchanté. Pour leurs 51 heures de boulot par semaine à effectuer des travaux de soudure sur le paquebot MSC Magnifica, le paiement des majorations en heures sup est passé à la trappe. Ils n'ont pas, non plus, d'indemnité de repas. C'est qu'au départ, leur contrat de travail rédigé en bulgare (mais calculé en devises lituaniennes) prévoyait 10,8 litas de l'heure (3 euros environ). Leur employeur est la société Litana,