La torpeur du mois d'août ne sera bientôt qu'un lointain souvenir. Avec mon anorak au milieu d'un aéroport parisien, j'ai l'air tarte. J'en aurai pourtant besoin au Groenland. L'ONG Greenpeace mène actuellement une expédition scientifique au nord-ouest de cette île injustement baptisée la «terre verte». Un de ses navires, l'Arctic Sunrise, navigue sur les eaux glacées depuis plusieurs semaines. A son bord, glaciologues, climatologues, des spécialistes venus constater les effets du réchauffement sur les glaciers de l'Arctique, en particulier le glacier Petermann qui se fissure depuis plusieurs années. Greenpeace a invité Libé à bord pour quelques jours d'immersion.
Faut-il y aller ou pas ? Nous n'avons presque pas hésité. J'écris bien «presque» parce que cela fait dix jours que j'y pense. A peine l'invitation reçue, j'ai fait tourner les calculettes à carbone qui ont évalué les émissions du voyage à 2,7 tonnes de CO2. Est-ce bien raisonnable de cumuler avion, hélicoptère et bateau pour aller taquiner la calotte glaciaire ? Elle fond ; c'est tout sauf un scoop. Dans mon crâne, c'est la tempête. Deux camps s'affrontent. Mon éco-warrior avéré ne cesse de m'envoyer ses commentaires fielleux et culpabilisateurs : «Ça ne te fait rien de contribuer au réchauffement dont tu nous rebats les oreilles à longueur d'articles ?»«Les journalistes qui prennent l'avion pour s'esbaudir sur un glaçon avant de nous donner des leçons d'écologie, merci !» <