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Libération
TRIBUNE

Le déclassement social n’est pas qu’un fantasme

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par Marie Duru-Bellat, professeure à Sciences-Po Paris et Camille Peugny,, maître de conférences à l’université
publié le 5 novembre 2009 à 0h00

Dans son dernier livre (Libération du 31 octobre), Eric Maurin défend la thèse selon laquelle la France est rongée par «la peur du déclassement», une peur qui ne peut se justifier objectivement. Définissant le déclassement comme le fait de perdre un emploi stable, l'auteur souligne que le phénomène ne concerne que «les marges de la société» (chaque année, 1 % de la population active) tandis que 99 % des salariés seraient à l'abri de la «déchéance sociale». Comment expliquer alors un tel gouffre entre une réalité statistiquement très rare et un sentiment à ce point répandu ? Ce pessimisme français trouverait racine dans une trop forte protection des statuts et dans le fossé séparant ceux qui sont protégés et ceux qui ne le sont pas : on aurait d'autant plus peur de déchoir que sa propre situation est assurée et bien plus que celle des autres.

Cette thèse appelle plusieurs remarques, notamment sur la mesure du déclassement. La notion de déclassement recouvre, tant chez les chercheurs que dans l'opinion, des définitions variées. Force est de constater que celle retenue par Eric Maurin est particulièrement restrictive, quand il assimile le déclassement à la «déchéance sociale». Celle-ci n'est que la forme extrême d'un phénomène plus complexe, plus quotidien et dont les conséquences sur la cohésion sociale sont sans doute beaucoup plus pernicieuses.

Tout d’abord, l’auteur, qui se situe ici au niveau des carrières individuelles, fait du p