J’avais entrepris, il y a quelques années, de suivre à pied le chemin du Mur à Berlin, jour après jour. Plus de 40 kilomètres que l’on a peine à retrouver par moments. Cela m’a pris près de dix jours. Un pèlerinage, car j’avais habité autrefois Waldemar Strasse à Kreuzberg, en bordure du Mur. Mais les fantômes du passé ne se manifestent pas aisément. Le Mur a été démantelé, concassé, transformé en gravier, en petits et gros morceaux vendus un peu partout aux musées, aux sièges des grandes sociétés, aux particuliers, à tous ceux qui veulent un «morceau d’histoire» chez eux.
Stéréotype, discours social bien cristallisé ! La chute du Mur, le chemin vers la liberté ! Un monde lumineux par opposition à un Berlin gris, aux façades lépreuses, aux cours intérieures tristes qui sentent le lignite. Et puis, on les a vues ces images, les gens qui «votent avec leurs pieds», ceux qui fuient le long de la Bernauer Strasse, le garde-frontière de l'Est qui saute à travers les barbelés, les gens qui creusent des tunnels, inventent des stratagèmes pour passer à l'Ouest. Et l'ouverture du Mur, Schabowski qui bafouille, et cette foule qui passe les points de contrôle et se précipite à l'Ouest, le passage de «nous sommes le peuple» à «nous sommes un peuple» pour arriver à la réunification. C'est de bonne guerre. Précisément c'est la guerre, une guerre mémorielle aujourd'hui.
Oui, véritablement, l'histoire est écrite par les vainqueurs, comme on dit. Autour de ce mur abse