Menu
Libération
grand angle

A Casale, un siècle sous l’amiante

Article réservé aux abonnés
L’italien Eternit a fait travailler des milliers d’ouvriers sans précaution, semant la mort sur ce bourg. Le grand procès de l’amiante et de ses dirigeants a lieu à Turin.
publié le 16 mars 2010 à 0h00

Etirée au-dessus du Pô, bordée de collines plantées de vignes, la petite ville piémontaise de Casale Monferrato scintille sous le soleil d'hiver et la fine couche de neige tombée dans la nuit. Eglises baroques, campaniles et couvents, cathédrale romane… Il fait bon prendre le café sur la place du château. Dans cette douceur de vivre, quelques notes divergentes. Accrochés aux balcons, des drapeaux italiens flanqués de l'inscription : «Eternit Giustizia». Et dans les mains d'une étudiante accoudée au comptoir, la une du quotidien local Il Monferrato : «Maxi processo di Torino : battaglia…» Indices de la lutte dans laquelle Casale est engagé, signes discrets de la tragédie qui l'étreint : chaque semaine ici, une personne meurt d'amiante. Anciens ouvriers de l'usine Eternit ou citadins qui n'y ont jamais mis les pieds, ils meurent de mésothéliome, le cancer de la plèvre, pour avoir respiré l'insidieuse poussière.

De cette même place, chaque semaine, trois cars partent à destination du palais de justice de Turin, où se tient, depuis décembre 2009, le premier grand procès pénal de l'amiante en Europe. A la barre, les ex-hauts dirigeants du groupe Eternit, le Suisse Stephan Schmidheiny, 62 ans et le Belge Louis-Marie de Cartier de Marchienne, 88 ans. Ils sont accusés d'avoir causé la mort d'au moins 2 200 personnes - dont plus de 1 600 à Casale - et la maladie de 900 autres. Ils sont poursuivis pour n'avoir ni protégé ni informé des dangers de l'amiante le personnel de quat