Aujourd'hui, les jambes fatiguées de Hendrik Van Der Merwe ne lui permettent plus d'escalader les rochers. Mais, des années durant, l'ex-officier de marine alla s'asseoir au milieu des manchots qui, dès le début des années 80, élurent domicile à Simon's Town, station balnéraire de l'océan Indien, à une demi-heure au sud-est du Cap. Van the Penguin Man, comme on le surnomma, trouva la compagnie des palmipèdes si «apaisante», qu'il veilla à leur bien-être. Au passage, il devint le scribe d'une chronique sociale en noir et blanc, déclinée à travers conférences et témoignages médiatiques.
«Un jour, se remémore le vieillard, je suis tombé de stupeur en découvrant un manchot albinos, dont la blancheur immaculée allait susciter l'hostilité de toute la colonie, hormis son frère, qui restait à ses côtés et le protégeait. Peu après leur naissance, le papa, qui lui aussi veillait à une certaine équité familiale, disparut en mer. Puis ce fut au tour de la maman, condamnée à suppléer au ravitaillement, de ne plus revenir. Abandonnés de tous, affamés, le frère périt vite. Quant au petit albinos, je le recueillis avant qu'il ne se jette à l'eau, puis le remis dans sa cavité, dans l'espoir que sa mère revienne. Le lendemain, il avait disparu et je ne l'ai jamais revu.» C'est à se demander jusqu'où a pu se nicher naguère la ségrégation, dans une Afrique du Sud poursuivie par ses démons jusqu'aux confins du règne animal.
Quoi qu’il en soit, l’oiseau continue de faire la fierté