Dans le regard qu’on porte en Europe sur les présidents américains, il y a une illusion. On les croit maîtres du monde ; ils ne sont que des Gulliver empêtrés. Chefs de la plus grande puissance de l’univers, ils sont chez eux encadrés, gênés, contrecarrés par un Congrès tout-puissant, une presse inquisitoriale et une Constitution qui limite méticuleusement leur latitude. Dans son œuvre de réforme, le «leader du monde libre» est tout sauf libre.
Barack Obama n’échappe pas à cette règle. Forcé par sa propre Constitution à procéder par compromis permanent, il mène une action heurtée, incomplète, qui déçoit ses partisans sans désarmer ses adversaires. Lesquels, s’agissant d’un président noir, intellectuel et progressiste, sont prêts à tous les coups bas et à toutes les calomnies pour l’affaiblir. Barack Obama bouscule l’Amérique réactionnaire et sectaire qui a fait de Sarah Palin sa Jeanne d’Arc permanentée : c’est l’homme à abattre. Est-il un bon président ? Trop hésitant, trop «à l’écoute», trop flamboyant et rhéteur, sans doute. Mais pour le reste, il a réussi une réforme impossible, celle de la santé, il a limité l’arrogance de Wall Street et entamé - prudemment - le retrait américain d’Irak. A mi-mandat, il va où il veut aller, même s’il avance lentement. Roosevelt a mis près de dix ans pour sortir l’Amérique de la crise ; c’est Johnson qui a réalisé les réformes d’un Kennedy au bilan étique. Obama a besoin de temps, même si la vie politique américaine le lui refuse. Il inca