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Libération
Interview

«L’Afrique noire a multiplié sa facture alimentaire par six»

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Olivier De Schutter, juriste belge, rapporteur spécial de l’ONU pour l’alimentation :
publié le 3 septembre 2010 à 0h00

Depuis mai 2008, Olivier De Schutter est rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation.

Le cas du Mozambique est-il isolé ?

Hélas, la situation sociale et économique du Mozambique n’a rien d’exceptionnelle. Elle est comparable à celle de bien d’autres pays de l’Afrique subsaharienne… Ethiopie, Malawi, Rwanda, Zambie, Somalie, Mozambique… C’est la quasi-totalité de cette région du monde qui se trouve menacée, à cause d’un accroissement de sa dépendance vis-à-vis des importations de denrées alimentaires, comme le riz et le blé. Cette région, de près d’un milliard de personnes, n’a pas suffisamment investi dans une agriculture vivrière permettant de fournir des aliments de base aux populations locales. Au point de fragiliser toujours plus la notion de sécurité alimentaire.

La faute à un déficit d’investissement local, d’une mauvaise gouvernance ?

Un tel procès serait trop facile. Pour comprendre la situation du Mozambique, ou d’autres pays, il faut faire un peu d’histoire. Impossible de comprendre ce qui s’y déroule sur le plan social sans rappeler ce que furent les décennies 80 et 90 pour ces pays. Des années pendant lesquelles furent appliquées, sans aucun discernement, les politiques d’ajustements structurels dictées par le FMI et la Banque mondiale. Contre des prêts, ces pays ont dû se plier à l’ouverture des frontières, à la mise en concurrence de leur production locale avec celle des pays riches. Sur le plan agricole, ces pays en subissent encore les effets.

Comment ?

C’est relativement simple. L’ouverture économique s’est traduite non seulement par une baisse des protect