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Portrait

Bruno Latour, le climat mis au vote

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Pour ce philosophe des sciences, le réchauffement n’est pas une question de vérité, mais dépend d’un choix politique.
Bruno Latour.
publié le 20 décembre 2010 à 0h00

Souvenez-vous, c’était il y a un an. A Copenhague, le sommet de l’environnement accouchait d’une souris pas verte du tout et les rumeurs se mettaient à circuler sur le Giec. Le «climato-scepticisme» entrait dans le vocabulaire, au son du tam-tam de Claude Allègre. Fin du consensus, début d’un de ces dilemmes moraux qu’adore notre époque faussement libre penseuse : à qui se fier quand les scientifiques ne sont pas d’accord ? La seule réponse susceptible de trancher le nœud gordien fut donnée six mois plus tard dans une tribune au Monde par le philosophe Bruno Latour : «Nous avons parfaitement le droit de décider politiquement d’établir un lien de causalité entre les bouleversements climatiques et l’action humaine […]. Une fois cette décision prise (car c’est une décision), les climatosceptiques ne sont pas « irrationnels » ce sont simplement des adversaires politiques, parfaitement respectables.» La phrase est passée inaperçue («je n’ai eu aucune réaction»). Ce n’était pourtant pas une simple provocation, mais plutôt le fruit mûri d’un penseur qui, depuis trente ans, réfléchit sur la science.

Dans le champ des «sciences studies», très prisé outre-Atlantique, Bruno Latour est une star. Vedette des campus américains, traduit en trente langues, il est plus cité sur Google que son maître Michel Serres. Mais, à la différence de ce dernier, académicien et adulé des médias, lui n’a pas été prophète en son pays. Son nom reste peu connu,