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Libération
Reportage

Malawi, les champs captifs de Monsanto

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Arrivés sur fond de famine, l’américain et son allié Seedco se servent du pays, devenu dépendant de leurs  semences stériles, comme vitrine en Afrique.
publié le 25 février 2011 à 0h00

Titha cultive une petite parcelle de terre dans le village de Muzu, à une quarantaine de kilomètres de Lilongwe, la capitale du Malawi. Sur un demi-hectare de champs, elle récolte seule le maïs, pour la subsistance de ses trois enfants. Mal nourris, les yeux tristes, ils se cachent dans sa jupe à la vue des visiteurs. Ils ne vont pas à l’école, et Titha n’y est jamais allée non plus. Mais il y a deux ans, la vie s’est adoucie à Muzu. Titha a reçu un sac de semences hybrides Monsanto - provenant de deux plantes parentes différant par un ou plusieurs gènes - grâce au programme de subventions du gouvernement pour les petits agriculteurs. «La première année, nous avons eu une très bonne récolte, souffle-t-elle. J’étais contente. Mais ensuite, je n’ai plus eu de subventions pour les semences, juste pour les engrais. J’ai replanté des graines de la saison précédente, comme d’habitude… Mais elles n’ont rien donné.» Les semences hybrides sont des graines sélectionnées artificiellement. Leur variété n’étant pas «stabilisée», elles ne peuvent pas se reproduire d’une saison à l’autre. Surtout, au nom de la propriété intellectuelle, il est interdit de replanter des semences Monsanto. Titha le sait, mais elle n’a pas peur que la compagnie américaine la poursuive en justice. «Comment voulez-vous qu’ils me trouvent ici ? lance-t-elle, presque amusée. Et de toute façon, qu’est-ce qu’ils pourraient bien me prendre ? Je n’ai plus rien…»

«Survie». La compagnie