Aux amateurs de cochonnailles, aux fondus de rillettes et de saucisson, on conseillera plutôt de passer son chemin, de ne pas ouvrir le livre d'Isabelle Saporta. De mini-chambres à gaz en pinces à électrocution pour éliminer les cochons crevards, en passant par le «toquage», l'explosion de crânes des porcelets sur les caillebotis ou les murs, la journaliste Isabelle Saporta nous plonge d'abord dans l'enfer de l'élevage porcin. «Une insémination ratée, une truie qui revient le ventre vide, c'est rillettes»,«une truie qui fait des morts-nés ou qui écrase ses petits, ça devient du saucisson», résume-t-elle.
Au fil d'une enquête de deux ans dans les campagnes françaises, l'auteure a traqué dans ses retranchements l'absurdité de l'agriculture hyperproductiviste, celle qui a transformé l'«éleveur de cochons en serial killer», ou fait d'un verrat chinois vasectomisé un as de la détection de truies en chaleur. Celle aussi qui, en gavant les vaches d'un cocktail de maïs et de soja, les a transformées en roteuses de méthane au détriment du climat.
Entre silos à blé et champs de maïs, des prés aux vergers, l'enquête remonte «de la fourche à la fourchette, du cours d'eau pollué aux cancers provoqués par les pesticides, ou des animaux trop traités jusqu'à l'antibiorésistance de la population.» Une peinture effrayante d'un monde où le petit paysan est devenu «le bouc émissaire d'un système qu'il subit».
Un livre noir qu’Isabelle Saporta