Direction (ir)radiations. Sur la route 114, dosimètre en main et carte en japonais, qu'on consulte alternativement toutes les dix minutes. Ou plus, selon que la gorge se sèche, que les lèvres s'irritent. Ou que l'on se dise : «Ici, c'est vraiment pourri, non ?» Voilà Kawamata. Une grande bourgade, comme endormie à faible distance d'un cauchemar si éveillé. A 40 kilomètres au sud-est, Fukushima Daichi distille son impalpable venin.
Makoto Sato, 84 ans, campe sur le perron de sa très modeste maison : «Moi, je ne bouge pas. La catastrophe nucléaire ? Je m'en fous, j'en ai tellement vu tout au long du XXe siècle, les guerres, les séismes, les catastrophes : je n'en ai plus rien à faire. Vous savez, j'ai été déployé dans l'armée de terre à Kyushu quand les Américains ont largué leur bombe atomique sur Nagasaki, alors…» Il marque un temps : «Je suis trop vieux, la mort ne me fait pas peur.» Makoto Sato a vu les jeunes partir de la ville, mais il n'a pas entendu l'histoire de suicides de vieux qu'on voulait déraciner pour les extraire des radiations trop massives. Quand on l'évoque, il s'assombrit, regard perdu. Il l'avoue : il n'a jamais «pensé que le nucléaire» rattraperait le pays, «cinquante-six ans après».
«Informations inquiétantes». Alors que le dosimètre grimpe en accéléré, la vie semble s'écouler au ralenti. Sur la route, deux techniciens s'emploient, avec un engin de levage, à réparer une ligne électri